Sur Romains 8, 28-39

Le cœur du Christ, révélateur de notre Dieu

 

Père Karl Rahner

L’homme au miroir de l’année chrétienne, p. 214s

 

Le Cœur de Jésus est le Cœur même de Dieu : notre cœur trouve en lui son repos. S’il nous aime, nous savons que l’amour d’un tel cœur est pur de tout alliage, qu’il n’est qu’amour. En lui, le grand point d’interrogation qu’est le Cœur du monde devient ce « mystère purpurin de toutes choses » par lequel l’amour, dont Dieu nous aime, s’est penché jusqu’au fond de l’abîme de notre perdition. A travers ce cœur, et pas autrement, nous savons ce que Dieu entend être pour nous ; dans ce cœur, et pas ailleurs, la grande énigme devant laquelle bute finalement toute la sagesse humaine devient le mystère hésitant de l’amour. En lui, notre cœur accède à la connaissance totale : car il ne sait qu’une chose, c’est la chose essentielle, sans laquelle tout savoir est vain et fait le tourment de l’esprit, sans laquelle toute expérience intime n’engendre que le désespoir. Il sait qu’il ne fait qu’un avec le cœur de Dieu, ce lieu où les voleurs et les meurtriers eux-mêmes trouvent le pardon, ce lieu où nos nuits les plus noires prennent la clarté des jours du fait qu’il en a supporté avec nous toute l’obscurité, ce lieu où tout se change en amour.

Si le cœur de Dieu fait homme, le Cœur de Jésus-Christ, devient ainsi notre cœur, notre condition humaine peut, en dépit de la diversité de ses éléments, pénétrer dans l’unité totale de Dieu sans s’y consumer. Dans la mesure où nous nous identifions avec ce cœur, nous pouvons ramener à l’unité, sans en rien perdre, toute la richesse variée de nos expériences et de nos actions humaines, comme aussi notre cœur peut s’engager à fond dans les affaires de ce monde sans s’y dissoudre.

Le Cœur de Jésus est le cœur de Dieu dans le monde. Le seul lieu où le monde découvre la vraie nature de son Dieu, mystère destinée à le combler de béatitude. Le seul lieu où Dieu devient le cœur de notre cœur, si bien que notre être y trouve, avec le pouvoir de tout embrasser et de tout unir à la fois, son centre de gravité et son équilibre.