Sur 2 Samuel 6, 1-23

L’importance de l’Arche pour David

Père Jean-Michel de Tarragon

David et l’Arche, RB 86, 1979, p. 519s

 

L’Arche n’a pas pour caractéristique importante d’être palladium guerrier, son emploi dans les batailles reste exceptionnel. L’Arche est essentiellement un objet religieux, mais ce caractère religieux est délicat à préciser, les textes étant pour la plupart de rédaction tardive et marqués de théologies développées au Temple de Jérusalem. Les versets du livre de Samuel que nous venons de lire contient de précieuses notations cultuelles : le charriot neuf, la danse de toutes leurs forces, les chants, la musique, le rôle cultuel de David, rôle de type sacerdotal lequel implique une époque ancienne antérieure à la main mise de la caste sacerdotale sur les affaires cultuelles de Jérusalem. Cependant cette manière de représenter David dans un rôle sacerdotal peut être aussi une vision d’une époque assez tardive où le saint roi David est devenu un type, une figure idéalisée, comme son fils Salomon. Ce mélange, des notations cultuelles anciennes, d’autres tardives, se fait de manière harmonieuse, sans rupture. Ces versets ne renseignent pas sur ce qu’a fait réellement fait David ; ils renseignent sur l’idée qu’on s’en faisait à un moment  où se gardait vivant le fait même du transfert de l’Arche par David.

L’importance religieuse de l’Arche serait-elle liée, à l’époque davidique, à son contenu ? On a proposé diverses hypothèses, toutes invérifiables. L’Arche aurait contenu une idole, une pierre sacrée, un document d’alliance entre Dieu et les tribus ou entre Dieu et la dynastie, un trésor de guerre, etc. Aucun texte n’appuie ces hypothèses, et surtout le destin de l’Arche s’y oppose. Si elle avait eu un contenu de valeur, on ne l’aurait pas oublié pendant des années chez les Philistins ! Son contenu ne devait pas être très signifiant pour qu’il n’en soit rien resté dans la tradition : peut-être ce contenu avait-il perdu de son pouvoir évocateur une fois retiré de son milieu d’origine, Silo. Pour David, c’est l’Arche comme un tout qui reste un symbole qu’il faut s’approprier.

Si l’Arche n’a pas l’importance religieuse et cultuelle qu’on lui attribue, peut-on poser la question de sa signification comme symbole dynastique ? On a souvent insisté sur l’importance politique de l’Arche. Mais l’Arche ne peut pas être symbole dynastique pour David : il récupère un objet qui n’a jamais jusque-là été entre les mains d’un roi ou d’une dynastie ; le pouvoir politique de David s’instaure, à Hébron, indépendamment de l’Arche. D’ailleurs, à l’époque de Salomon, l’Arche retombe dans l’oubli : après l’avoir remisée dans le Temple, on ne s’en occupe plus guère.