sur Jean 1, 45-51
« Un homme qui ne sait pas mentir »
Saint Augustin
Traités sur l’Evangile de saint Jean, Traité 7, OC 9, p. 314s

Voici un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sait pas mentir. Que signifient ces paroles ? Est-ce que Nathanaël était sans péché ? Est-ce qu’il n’avait aucune maladie ? Est-ce qu’il n’avait pas besoin de médecin ? Gardons-nous de le penser ! Il n’est aucun mortel qui puisse se passer des soins du divin médecin. Quel est donc le sens de ces paroles de Jésus ? Examinons-les attentivement, le Seigneur nous les fera comprendre. Le Seigneur dit que Nathanaël ne sait pas mentir, qu’en lui il n’y a point de dol ; tous ceux qui comprennent la langue latine savent qu’il y a dol lorsqu’on fait une chose et qu’on en simule une autre. Veuillez faire attention : le dol, dolus en latin, n’est pas la même chose que dolor, la douleur. Je fais cette remarque parce qu’un grand nombre de nos frères qui ne savent pas le latin s’expriment ainsi : le dol le fait souffrir, au lieu de dire la douleur ! Le dol est la même chose que la fraude, le mensonge. Il y a dol, mensonge, lorsqu’un homme tient un langage différent de la pensée qu’il tient cachée dans son cœur ; il a comme deux cœurs, l’un dans le secret duquel il voit la vérité, l’autre dont les remplis cachent le mensonge qu’il a conçu. C’est un véritable mensonge au témoignage du psalmiste lorsqu’il dit : leurs lèvres sont trompeuses. Qu’est-ce à dire ? Leurs lèvres sont trompeuses : ils disent le mal avec un cœur à cœur, c’est-à-dire un cœur double. Si donc Nathanaël était exempt de mensonge, le médecin divin a jugé, non pas qu’il était en parfaite santé, mais qu’il pouvait être guéri. Il y a une grande différence entre ces trois termes : être en bonne santé, être guérissable, être incurable. Celui dont la maladie laisse de l’espoir est guérissable ; celui dont la maladie est désespérée est incurable, celui qui est en bonne santé n’a pas besoin du médecin. Le médecin qui venait guérir les malades, vit que Nathanaël était susceptible de guérison, parce qu’il n’y avait point en lui de mensonge. S’il est pécheur, il reconnait sincèrement qu’il est pécheur. Si, au contraire, étant pécheur, il soutenait qu’il fût juste, son langage serait empreint de mensonge. C’est donc cette absence de mensonge que le Sauveur loue en Nathanaël, pour opposer cet exemple à celui des pharisiens qui se prétendaient justes malgré les péchés dont ils étaient couverts, et qui, par cette dissimulation coupable, mettaient un obstacle insurmontable à leur guérison.