sur 1 Rois, 22,1-9+15-23

Saint Dominique

Georges Bernanos

Saint Dominique, p. 25s

 

La mère de Dominique, la bienheureuse Jeanne, était fille des seigneurs d’Aza et de noblesse ancienne. Dominique était le dernier de ses enfants, et peut-être le plus chèrement aimé si l’on en croit la tradition. Elle le garda sept ans près d’elle, puis elle le conduisit chez son oncle l’archiprêtre de Gumiel d’Izan ; il y vécut obscurément et studieusement jusqu’à l’âge de quinze ans. Alors, on décida de l’envoyer aux écoles de Palencia qui seront plus tard l’illustre université de Salamanque. Ces écoles étaient dès ce moment célèbres, et d’ailleurs l’Espagne tout entière, comme le reste de la chrétienté, se sentait emportée dans l’irrésistible mouvement d’ascension que fut le prodigieux treizième siècle. Selon le vénérable programme carolingien, six années furent consacrées à l‘étude. Ce premier cycle achevé, Dominique avait atteint sa vingt et unième année, mais il étudiera ou professera la théologie à Palencia jusqu’à l’âge de trente et un ans. C’est alors que le prieur d’Osma, Diego de Azevedo, l’ayant appelé près de lui, il devint chanoine régulier de ce chapitre et fut nommé sous-prieur. Dominique avait trente-quatre ans.

Il est pauvre, il est seul et le temps lui est mesuré : dix-sept ans, deux cent quatre mois ! De plus, il ne semble avoir aucun plan, il ignore toujours sa voie. Mais il a mieux qu’aucun plan : le détachement fondamental, la liberté intérieure qui attire sans doute l’Esprit du haut des airs, ainsi qu’un oiseau fasciné. C’est alors qu’un premier signe lui est donné tout à coup : le roi de Castille l’envoie en mission au Danemark. Cette aventure, un peu burlesque, a un autre sens. Il rencontre sur sa route l’Abbé de Cîteaux et deux légats du pape, lesquels déplorent amèrement le libertinage et la simonie des prêtres, leurs intrigues et leur insolence ; ces derniers demandèrent à Dominique son avis sur la situation de l’Eglise ; il leur déclara qu’il fallait renvoyer sur l’heure écuyers, chevaux et mules, se dépouiller des riches habits, et s’en aller à pied sur les routes, à la grâce de Dieu, en mendiant le pain de chaque jour.

L’Institut des Missionnaires Apostolique de Toulouse date de 1215. Dominique est à la quarante-cinquième année de son âge, et il mourra six ans plus tard. Si les débuts de la vie d’un saint sont lents, souvent fastidieux, si les contradictions viennent du dehors, et paraissent aussi venir du dedans, lorsque l’œuvre a trouvé son équilibre mystérieux, elle est comme arrachée de terre et s’envole.