La maternité spirituelle de Marie

Père André Feuillet

Les adieux du Christ à sa mère, NRT 1964, p. 483s

 

La formule de réciprocité : Voici ton fils, voici ta mère, laquelle rappelle les formules d’adoption, est une formule d’adoption messianique ; elle est à rapprocher des formules d’alliance : Vous serez mon peuple, je serai votre Dieu ; je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils.

Si Dieu aime comme un  père les Israélites, la Sagesse divine de son côté aime comme une mère ceux qui l’aiment : J’aime ceux qui m’aiment ; qui me cherche avec empressement me trouve. L’évocation implicite de l’alliance en Jean 19,25-27 signifie qu’en donnant comme mère à ses disciples sa propre mère, Marie, incarnation de Sion et prototype de l’Eglise, Jésus reconnaît en eux d’authentiques enfants de Dieu qui sont devenus ses frères.

Les paroles que le Ressuscité adressent à Marie-Madeleine démontrent la justesse de ce point de vue. Pour la première fois, le Christ nomme ses apôtres ses frères, référence probable de portée messianique au psaume 22 : J’annoncerai ton nom à mes frères. Pour la première fois, le Christ souligne avec une insistance manifeste que, comme fruit de son œuvre rédemptrice, son Père ou son Dieu est devenu d’une manière nouvelle le Père et le Dieu des siens : Va vers mes frères, et dis leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Dans le quatrième évangile, jamais avant la scène au pied de la croix, le Christ n’use de cette manière de parler ; ce phénomène s’explique évidemment par une intention doctrinale de l’évangéliste.

Bref, avant de passer de ce monde au Père, le Christ donne aux siens pour père son propre Père du ciel ; il leur donne pour mère sa propre mère ; il les appelle frères. Autant de faits qui se corroborent et s’éclairent mutuellement. Ils font partie de cette manifestation suprême de l’amour divin annoncé par l’évangéliste en ces termes quand il commence le récit de l’Heure de Jésus : Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son Heure était venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin. Le Tout est accompli qui suit immédiatement la scène des adieux du Christ à sa mère, répond au jusqu’à la fin : Jésus a achevé de montrer à quel point il aime les siens.

Toutes les scènes qui se succèdent dans les derniers chapitres du quatrième évangile, sont autant d’occasions d’affirmer une seule et même vérité : l’instauration définitive de l’économie nouvelle où Dieu doit traiter les rachetés d’une manière à la fois toute paternelle et toute maternelle. Les enfants de l’Eglise, qui sont aussi ceux de la Vierge Marie, ne doivent jamais oublier qu’à travers Marie ou l’Eglise, c’est l’amour même de Dieu qui les atteint sous sa forme la plus touchante.