sur Isaïe 7, 1-17

La réception de l’eucharistie

 

Saint Vincent de Paul

OC 13, Documents, 1ère partie, 15, sermon sur la communion, p. 30s

 

Le Père éternel a témoigné avec quel soin nous nous devons disposer pour recevoir notre Créateur en nos âmes, puisque lui-même, l’envoyant en ce monde, lui a voulu disposer un palais rempli de toutes les perfections, qui est le sein virginal de sa bienheureuse Mère. Le Saint-Esprit a voulu aussi démontrer ce même respect qu’on doit au corps de Notre Seigneur, puisqu’ayant rejeté les moyens de la nature pour la formation de ce corps, il a voulu lui-même être l’ouvrier en prenant le plus pur sang de la Vierge. Si le Père et le Saint-Esprit ont tant voulu contribuer à cette disposition, que doit avoir l’homme qu’il n’y contribuât, lorsqu’il veut faire cette grâce de se communiquer à lui, eu égard même aux conditions de l’un et l’autre, de celui qui reçoit et de la chose reçue, celui-ci infini et tout-puissant, celui-là, au contraire, étant pauvre ver de terre ! Et il ne faut pas que nous nous excusions sur quelque grand attirail qu’il semble que la chose requiert, et quelque extraordinaire soin qui réponde à cette action tant extraordinaire. Non, il n’y faut que la disposition du cœur, un oubli des vanités passées, une vive appréhension du grand amour que Dieu nous a témoigné en ce sacrement et une réciprocité et correspondance d’amour de notre côté ; ce qui se fait sans se remuer d’une place. Partant, il ne faut point aller aux Indes, se faire couvrir de poussière et de cendre pour la conquête de ce grand bien. Ici, où il s’agit d’un gain, non d’un peu de pain, mais de tous les trésors du monde, il n’est nécessaire que de la pure application de son cœur ; car ce n’est pas recevoir un breuvage médicinal, qui peut faire aussitôt mal que bien, ce n’est pas prendre un dîner qui ne regarde que cette misérable carcasse du corps, mais la nourriture de l’âme qui doit vivre éternellement.

Notre Seigneur a institué à cet effet cet auguste sacrement, vraie base et centre de la religion, la nuit avant sa passion, par un testament solennel qu’il fit en la présence des apôtres, où il estima ne pouvoir assez exprimer l’amour qu’il a pour l’homme qu’en lui laissant son corps ; ce qu’il a fait afin que, comme nous sommes réconciliés à Dieu par sa mort et sa passion, nous en ressentions les effets tous les jours par la réception de son corps. Ô digne et admirable institution, qui passez la capacité de l’entendement humain, que les anges ne peuvent qu’admirer, que nulle langue ne peut exprimer, nul entendement comprendre, combien tu es digne de grande vénération.