Sur Isaïe 9,7 – 10,4

La vengeance divine

 

Père Jean Steinmann

Le prophète Isaïe, sa vie, son œuvre, et son temps, p. 115s

 

Israël voit dans les malheurs du royaume d’Israël l’effet d’une parole de Dieu. Cette seule parole a suffi, c’est elle seule qui a provoqué les ruines consécutives à l’invasion assyrienne. Mais loin de se convertir, Israël, vaincu, ne s’incline pas. Avec un certain courage, les habitants de Samarie ont entrepris de relever leurs ruines. Mais ils ont tort de vouloir faire mieux qu’auparavant et de tenter de substituer la pierre à la brique, le cèdre, bois précieux, au médiocre sycomore.

Par suite de l’assassinat de Péqah, roi d’Israël, le départ des Assyriens a provoqué un retour d’hostilité des Araméens et des Philistins. La situation s’est aggravée par suite des pertes occasionnées par la guerre. L’élite a disparu : tête et palme, il s’agit de l’aristocratie et des conseils royaux, queue et jonc, c’est la jeunesse des éphèbes dont un grand nombre a trouvé la mort dans  la guerre. Les orphelins eux-mêmes ne sont pas épargnés.

La troisième strophe dépeint les progrès de la méchanceté, comparée à un incendie de forêt. Le feu pétille, la fumée monte en tourbillonnant. Bien souvent, on avait pu voir ce spectacle du haut des remparts de Jérusalem assiégée. Cette fumée est l’image de la rage intérieure qui, dans les cœurs, est à la fois la cause et l’effet de la colère divine. Elle engendre la haine et la guerre civile. L’ancien Israël est divisé en trois factions, Ephraïm, Manassé et Juda, qui se font une guerre fratricide.

La quatrième strophe reprend les griefs d’Isaïe au début de sa carrière prophétique. L’injustice est trop grande à Samarie. Le châtiment, venu de loin, sera le retour d’Assour.

Le refrain qui revient après chaque strophe insiste sur la durée de la colère de Dieu contre Samarie. En dépit des malheurs de la ville, la main de Dieu reste levée pour frapper. Elle frappera jusqu’à ce que, une dizaine d’année plus tard, le royaume entier soit écrasé et anéanti.

Le tableau d’ensemble du délire d’un peuple est l’un des plus grands qu’ait brossés Isaïe : Dieu se dresse, vengeur, sur un pays livré à la folie, à l’orgueil, à la haine. Les violences, la guerre civile et les oppressions mèneront le peuple à la ruine et à la mort. A chaque reprise du thème qui l’obsède, Isaïe sait enrichir, approfondir et étendre sa vision prophétique d’un monde voué à la damnation.