Sur Habaquq 1,1 – 2,4

La plainte du prophète

Père Pierre-Marie Galopin

A qui la Vie ?, p. s

 

La première partie du texte d’Habaquq comprend le début de la plainte du prophète : il crie contre la violence et se sent d’autant plus submergé par le débordement de malheur et d’injustices que Dieu reste insensible à sa souffrance et ne semble pas répondre à son attente.

Les interrogations angoissées du début : Pourquoi ?, et Combien de temps ?, suivies de l’énoncé des maux : pillage, dispute, caractérisent une lamentation expressément mentionnée dans le titre de la seconde partie.

Il reste pourtant malaisé de déterminer avec exactitude la nature des maux dont se plaint le prophète : il utilise des clichés. Cependant, si l’on tient compte du contexte général, et de l’emploi précis du mot violence, surtout accouplé avec le terme  pillage, l’angoisse du prophète paraît provoquée par la transgression flagrante de la Loi et du droit. Il semblerait alors que le mal se situe à l’intérieur du seul Peuple élu. Dans ce cas, le cri de douleur reste strictement personnel au prophète probablement en opposition avec la majorité, sinon la totalité de ses compatriotes. L’insolent et le juste représentent donc des individus ou, tout au plus, des groupes. Au contraire, si ces qualificatifs gardent un sens générique, l’insolent peut désigner un ennemi politique, quel qu’il soit, face à Juda, le Juste, ce nom désignerait alors l’ensemble du Peuple. Les malheurs évoqués ne peuvent plus signifier que la menace, voire la présence d’un ennemi sur le sol du pays.

Le prophète parle ainsi sans aucun doute au nom de tout le Peuple opprimé, et en communion avec lui. Envisagée de cette façon, la plainte d’Habaquq, tout-à-fait en conformité avec l’ensemble de son livre, situe l’Histoire sainte dans le jeu de la politique internationale.

Le débat psychologique et religieux soulevé par ce cri de douleur se saisit facilement : la  détresse du juste devant le triomphe du mal et le silence de Dieu. Alors quoi ? Le prophète en est réduit au rôle de veilleur. Cette attitude s’inscrit normalement dans la tradition prophétique, et, malgré son apparente passivité, elle exige une grande force d’âme. Pour une mentalité de rétribution temporelle collective à nuance politique, il y a là un très dur affrontement de foi entre Dieu et son prophète, qui devra parvenir à la disponibilité intérieure suffisante pour l’attente patiente d’une réponse décisive.