Sur Ezéchiel 37, 15-28

Les deux planchettes

Père Jean Steinmann

Le prophète Ezéchiel et les débuts de l’exil, p. 188s

 

Un visionnaire n’est pas sans cesse en extase ! Quand il s’agissait de monnayer à l’usage des déportés le contenu de ses visions, Ezéchiel se retrouvait tel que les anciens prophètes et tel qu’il était lui-même en Palestine, quand il prêchait par gestes. Les grandes visions symboliques, cosmiques et poétiques n’étaient guère adaptées à un auditoire très populaire. Il fallait en revenir au mime.

Par ce mime des deux planchettes, Ezéchiel entendait vulgariser le haut enseignement de Jérémie à Mispa en annonçant la fusion des deux anciens royaumes d’Israël et de Juda. On ne doit pas perdre de vue l’influence qu’avait exercée sur les esprits le grand rêve de Josias qui avait failli aboutir à la restauration du royaume de Salomon. La défaite de l’Assyrie, entre 620 et 612, avait paru rendre possible cette résurrection. Et si Babylone avait anéanti tous ces espoirs, l’idée s’était fortement imposée que le vieux schisme était une situation antinaturelle et provisoire. La disparition définitive de la monarchie de Samarie avait supprimé l’obstacle majeur à la réunion des deux royaumes sous le signe de David.

Les deux bois rapprochés, probablement deux planchettes à inscription, font penser au faisceau de la fable de La Fontaine : Le laboureur et ses enfants. Il s’agit de réunir ce qui était divisé. L’usage du nom de Joseph pour désigner les tribus du Nord, groupées autour d’Ephraïm et de Manassé, est relativement rare. Il implique peut-être une référence discrète aux récits de la Genèse, où Juda et Joseph ne sont plus des peuples mais des individus, unis étroitement l’un à l’autre au cours de certaines péripéties des aventures des fils de Jacob, selon les traditions yahvistes. Quand les témoins du geste d’Ezéchiel lui en demandent le sens, le prophète annonce le retour de l’exil.

Après l’annonce solennelle de l’union politique, Ezéchiel prophétise la purification religieuse : rejet des idoles, pardon divin. Une telle prophétie de pardon appelle sur les lèvres d’Ezéchiel, comme sur celles de Jérémie, la mention de David. Cette ère nouvelle doit se dérouler sous l’égide de celui qui, jadis, fédéra les tribus d’Israël sous un sceptre unique.

Quant à l’alliance nouvelle qu’annonce le prophète, sa promesse rejoint celle qu’avait faite Jérémie. Ezéchiel va plus loin dans la voie de l’universalisme en affirmant que les nations apprendront à connaître la présence divine au milieu d’Israël uni.