Sur 1 Corinthiens 1,18 – 2,5

Les quatre bras de la croix

Saint Bernard

Deuxième sermon pour la fête de saint André, OC 3, p. 483s

 

André était un homme semblable à nous, mais il était dévoré d’une ardente soif de la croix. Quand il l’aperçut de loin élevée pour lui, il s’écria : Ô Croix que j’appelle de tous mes vœux depuis si longtemps et que je vois enfin sur le point de combler mes désirs, c’est le cœur plein de calme et de joie que je viens à toi, reçois-moi dans tes bras avec une allégresse semblable à la mienne.

               A chacun de nous, le salut est dans la croix. L’Apôtre a dit : Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, elle est la vertu de Dieu. La croix est le bouclier qui nous entoure, et ses quatre bras repoussent les traits des ennemis du salut. Le bras qui descend sera dirigé contre les craintes nocturnes, c’est-à-dire contre la pusillanimité qui procède de l’affection de la chair, et nous fera châtier courageusement la partie inférieure de notre être, je veux parler de notre corps, et le réduire en esclavage. S’il se trouve quelqu’un pour vous maudire en face, ou pour vous conseiller ouvertement ce mal, c’est la flèche qui vole durant le jour. Elle vient du côté gauche : que le bras gauche de la croix la reçoive. Si, au contraire, on vous flatte, si, sous l’apparence d’un conseil d’ami, on veut vous faire boire le poison de la détraction fraternelle, semer la zizanie parmi vous, ou vous persuader quelque chose d’injuste comme si c’était juste, pour moi, c’est l’attaque de droite, c’est le trait de Judas qui trahit par un baiser : le bras droit de la croix repoussera cette attaque qui se produit dans les ténèbres. Mais je vois venir le démon du midi, je veux dire l’esprit d’orgueil qui fond ordinairement avec d’autant plus de fureur sur nous que notre vertu a plus d’éclat. J’ai déjà bien souvent essayé de vous faire comprendre tout ce qu’il y a de redoutable dans ce vice : vous savez, en effet, que l’orgueil est le commencement de tout péché, et la cause de notre perte à tous. Aussi, qui que vous soyez, si vous avez à cœur de faire votre salut, placez sur votre tête le bras d’en haut de la croix, pour ne point vous laisser aller à l’orgueil, ni enfler votre cœur, enfin pour ne pas vous élever au-dessus de vous par des pensées de grandeur. Tous ces traits qui vous sont lancés d’en haut, c’est le bras de la croix qui s’élève au-dessus de notre tête qui les fera écarter. C’est sur ce bras que se trouve placée l’inscription du royaume et du salut, attendu qu’il n’y a que ceux qui s’humilient qui méritent d’être exaltés et sauvés.