Sur Isaïe 24, 1-18

L’Apocalypse d’Isaïe

Père André Feuillet

Etudes d’exégèse et de théologie biblique, Ancien Testament, p. 74s

 

Avec le chapitre 24 d’Isaïe, commence ce qu’on appelle communément l’Apocalypse d’Isaïe. Cette Apocalypse d’Isaïe a en vue un grand événement historique qui fait la joie du peuple ; l’auteur le situe dans la perspective d’un jugement exercé sur le monde entier, prélude lui-même de l’instauration du règne de Dieu. C’est ce qui explique que nous ayons une alternance très régulière de morceaux eschatologiques à horizon universel, et de chants d’action de grâces mis sur les lèvres du peuple juif.

Les six premiers versets formulent la première annonce d’une catastrophe qui s’étend au monde entier. Les habitants de l’univers sont jugés, et, en grand nombre condamnés, parce qu’ils ont « rompu l’alliance éternelle ». Cette expression est fréquente dans l’Ancien Testament. Elle veut rappeler ici l’alliance conclue entre Dieu et tout homme en la personne de Noé. Il n’y a aucun motif de supposer qu’elle a été introduite dans notre texte par un auteur postérieur.

La seconde partie de notre lecture, les versets 6 à 16, sont le premier chant d’action de grâces du peuple élu. Les lamentations des versets 7 à 9 ont le caractère d’une cruelle satire. La cause de la joie des israélites, c’est la ruine de la « ville du chaos » ; l’auteur désigne par là un repaire bien connu de l’idolâtrie. Cette cité païenne est tellement importante que sa disparition est interprétée comme une catastrophe mondiale. Le peuple, juif qui habite « au milieu de la terre », apparaît alors comme un « reste » parmi les peuples visités par le courroux divin. Mais comme, par ailleurs, Israël invite l’humanité à louer Dieu, on voit que le salut des païens n’est pas exclu : « Les Juifs élèvent leur voix, ils chantent : Acclamez de la mer la majesté de Dieu ».

Les versets suivants sont un second morceau eschatologique, parallèle aux premiers versets : il décrit à nouveau le jugement divin qui doit atteindre tous les habitants de la terre. Il y a progression psychologique : les versets 16-17 nous font assister au Jour de Dieu, Jour qui était seulement annoncé dans les premiers versets de notre texte. Les écluses du ciel sont ouvertes comme pour un nouveau déluge. Non seulement les rois de la terre, mais même « l’armée d’en haut » doit être visitée. Ce jugement sera le signal de l’instauration en Sion du règne de Dieu, Dieu qui manifestera sa gloire « devant ses anciens », comme jadis sur le Mont Sinaï il manifesta sa gloire à Moïse et à soixante-dix anciens.