Sur Luc 1, 26-38

Marie, participante de la divinité

Saint Aelred de Rievaulx

Sermons pour l’année, 5, sermon 75, Pain de Cîteaux 24, p. 151s

 

L’ivoire est un os d’éléphant, cet animal d’une taille impressionnante et d’une force inouïe, dont le sang est naturellement si froid qu’il fait disparaître, dit-on, le venin enflammé du serpent. Tels étaient ce géant qu’est notre père Abraham, Isaac, Jacob, et les autres patriarches, ainsi que la bienheureuse Marie, os de leurs os et chair de leur chair. Elle est vraiment un os d’ivoire, en qui il n’est resté aucune substance liquide qui soit fiévreuse et nuisible, elle dont le sang très pur et parfaitement froid, du fait de sa chasteté, a fait disparaître, par la force de sa féconde virginité, le poison inoculé par l’antique serpent à la nature humaine par l’intermédiaire d’Eve. Salomon, est-il dit, se fit un large trône d’ivoire. Oui, large trône que la toute sainte qui a, d’une certaine manière, renfermé en elle Celui qui ne peut être limité, enveloppé Celui qui est sans mesure, contenu en son sein Celui qui contient tout. Voyez, frères, si toute âme juste est le siège de Dieu, combien plus cette âme-là, en qui habite toute la plénitude de la divinité ! C’est à juste titre que ce trône est revêtu d’or raffiné. L’or symbolise la sagesse. Voilà la femme drapée de soleil que la sagesse entoure de toutes parts, la protégeant à l’extérieur, la préservant à l’intérieur, la rendant étincelante au-dehors et pure à partir du dedans. Telle est la reine qui se tient à ta droite, Seigneur Jésus, en vêtements d’or puisque le trône de Salomon était revêtu d’or raffiné.

Le sommet     de ce trône était rond quant à la partie postérieure ; Ce saint trône possède une partie inférieure et une partie supérieure. La partie inférieure, ce sont les sens ; la partie supérieure, c’est l’intellect. C’est cela le sommet du trône qui a capacité pour ce qui est le plus élevé. Tout ce qui est rond est équidistant de toute part : il n’y a ni angle, ni commencement, ni fin. Ainsi donc, de même que nous discernons les réalités corporelles à l’aide de la partie inférieure, à savoir les sens, de même c’est par l’intellect que nous distinguons les réalités spirituelles. C’est la raison pour laquelle le sommet de ce trône était rond : illuminée par la divinité et déifiée pour ainsi dire en Dieu, la Vierge a été rendue participante de la divine éternité qui n’a ni commencement, ni fin ; de la divine vérité qui est exempte des recoins de la duplicité ; de la divine charité qui, bien ordonnée, consiste en une juste équité. Ainsi, au sommet de l’âme virginale, je veux dire dans l’esprit ou dans l’intellect, brillent l’image et la ressemblance de Dieu, que l’éternité rend indéfectibles, que la charité harmonise, que la vérité illumine.