Sur Genèse 17, 1-27

Le rire d’Abraham

 

Raïssa Maritain

Histoire d’Abraham ou les 1ers âges de la conscience humaine, p. 37s

 

Abram eut foi en Dieu, et Dieu le lui imputa à justice. Le prophète Habaquq dira : Le juste vit de la foi. Abram n’a pas connu la Loi, il n’est pas encore circoncis, mais il a cru que Dieu lui parlait. Il n’a pas opposé à la lumière de la foi qui naissait en lui par l’action de Dieu comme une sagesse supérieure, il ne lui a pas opposé la connaissance naturelle d’impossibilités naturelles. Par cette capacité d’accueillir en soi une vie nouvelle, par cette foi héroïque, il a été justifié : il reçut ensuite le signe de la circoncision comme le sceau de la justice qu’il avait obtenue par la foi quand il était incirconcis, afin d’être le père de tous ceux qui ont la foi. Abram eut foi en Dieu et Dieu le lui imputa à justice. C’est ici l’un des plus hauts lieux de l’Ecriture. Il est plus haut que le Sinaï. Il unit l’un à l’autre les deux Testaments. Il participe déjà de la lumière du Christ.

Abram, apaisé, vécut dans la foi et dans l’obscurité de la foi. Lorsqu’il fut arrivé à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui parla encore pour sceller avec lui son étonnant pacte d’amitié : Voici mon Alliance avec toi : ton nom sera Abraham, car je te fais père d’une multitude de nations ; vous serez circoncis dans votre chair et ce sera le signe de l’Alliance entre toi et moi. Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï, car son nom est Sara, c’est-à-dire princesse, mère d’une race royale, mère du peuple élu. Je la bénirai et je te donnerai d’elle aussi un fils.

Abraham se mit à rire : Naîtra-t-il un fils à un homme de cent ans ? Et Sara, une femme de quatre-vingt-dix ans, enfantera-t-elle ? Abraham rit. Le rire d’Abraham témoigne de la familiarité de ce dialogue. C’est tout le contraire d’un rire d’incrédulité. Abraham ne doute pas de la parole de Dieu, mais en riant, comme nous faisons avec un ami qui nous donne une merveilleuse espérance, il veut que Dieu l’assure bien de ce qu’il promet.

Et Dieu dit : Oui, Sara, ta femme, t’enfantera un fils : tu le nommeras Isaac. Mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que ta femme Sara t’enfantera l’an prochain à cette époque.