Sur Genèse 16, 1-16

La naissance d’Ismaël

Saint Jean Chrysostome

Homélies sur la Genèse, Homélie 38, OC 7, p. 541s

 

Saraï dit à Abram : Vois, je te prie : Dieu n’a pas permis que j’enfante. Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants ? Quelle droiture chez cette femme ! Elle ne dit pas comme plus tard Rachel à Jacob : Donne-moi des enfants ou je mourrai. Entendez son langage : Dieu m’a privé du bonheur d’enfanter, mais si le Créateur m’a affligée de la stérilité, il ne faut pas que mon malheur rejaillisse sur toi : approche-toi donc de ma servante afin qu’elle te donne une postérité. Que la conduite de cette femme est ineffable ! Quelle est l’épouse qui aurait supporté ce qu’elle osait conseiller, qui aurait consenti à céder à une servante son lit conjugal ?

Ce que les préoccupait, l’un et l’autre, c’était la crainte de mourir sans enfant, et ils cherchaient à se donner d’avoir une postérité, tout en maintenant le lien indissoluble de la paix. Remarquez l’amour admirable du patriarche et sa douceur à toute épreuve. Il y a des insensés qui en veulent à leur femme parce qu’elle demeure inféconde ; lui, Abram, se montre également bon pour la sienne, et lui porte toujours le même amour. Ils ne sont pas rares ceux qui trouvent dans la stérilité de leur femme un sujet pour la mépriser, ou qui l’aime uniquement à cause de sa fécondité : les uns et les autres sont également ridicules. Ne savent-ils pas que leurs épouses ne sont nullement responsables de ce qu’ils leur reprochent ? Ignorent-ils que le Créateur de la nature est le dispensateur suprême de toutes choses, que la fécondité ne peut être le résultat des efforts et de la volonté des hommes ? Le juste, lui, savait cela ; aussi se gardait-il d’imputer à sa femme la stérilité dont elle était frappée, et la traitait-il toujours avec le même respect. Celle-ci n’était pas insensible à cet amour, et, pour faire voir à son tour combien elle aimait son mari, elle s’oublie elle-même, uniquement préoccupée de le consoler de la douleur qu’il ressentait de se voir seul et sans enfants : elle le conduit sous la tente d’une jeune égyptienne ; bien plus, elle lui découvre les motifs de sa conduite et ses desseins. Elle ne pousse pas de plaintes amères, elle ne déplore pas sa stérilité. Mais en rapportant au Seigneur, Créateur de la nature, le sort qui l’afflige, elle nous déclare qu’elle s’y soumet sans peine et généreusement, mettant la volonté de Dieu au-dessus de ses désirs, et n’ayant d’autre idée dans l’esprit que de consoler son époux.