sur Isaïe 60, 1-22

Le mystère de l’eau

 

Père Louis Bouyer

Le mystère pascal, chap. 18, Le bain de la régénération, p. 433s

 

Le baptême peut être appelé, comme dans la lettre à Tite, le bain de la régénération, et assimilé, comme dans l’évangile de Jean, à une nouvelle naissance, qui est en même temps une naissance d’en-haut, la naissance d’eau et d’Esprit. D’après la lettre aux Romains, le baptême nous a insérés sur le Christ à la manière d’une greffe. La naissance nouvelle nous fait participer au dépouillement qui s’est opéré en Lui du vieil homme, c’est-à-dire de l’humanité à l’image de l’Adam déchu, c’est la croix, et au revêtement de l’homme nouveau, c’est la Résurrection. L’humanité rénovée est d’ailleurs la même que l’ancienne, comme le corps du Christ ressuscité est celui qui s’était étendu dans la tombe. Mais elle a été en Lui comme ramenée à son origine première, lavée de tout ce qui l’avait souillée depuis qu’elle était sortie des mains du créateur. Qui plus est, cette recréation en a fait une humanité non seulement pure, mais céleste, divine. Le Christ ressuscité est l’Adam céleste, un homme pleinement divin qu’il était, et fait homme. Comme le premier Adam avait été fait âme vivante, le dernier a été fait Esprit vivifiant.

Dans l’eau du baptême, notre Créateur nous fait retourner à l’innocence dans laquelle il nous avait faits. En même temps, Il nous y engendre d’une génération qui n’est qu’une participation à elle de son propre Fils unique, devenu par-là premier né au milieu de beaucoup de frères. Cette eau sanctifiée par la Parole de vérité possède donc bien, dans la plénitude des termes, et cette virginité et cette fécondité que la liturgie salue en elle. Le monde qui aux premiers jours de son histoire avait, à l’appel de la Parole, émergé des eaux, s’y replonge. Il en ressortira lavé de cette histoire, et l’Esprit, ayant couvert de son ombre ces eaux maternelles où il s’était posé de nouveau, sous la forme d’une colombe, quand le Christ y descendit, le monde qu’elles enfanteront une seconde fois sera la Jérusalem céleste. L’Epouse de l’Agneau, une seule chair avec Lui, naîtra dans ces flots, non plus seulement œuvre, mais fille de Dieu, parce que plénitude de son Fils. Dans les sources terrestres jaillissent les sources divines. En buvant au fleuve d’eau vive, c’est au sein du Père que nous étanchons notre soif, si bien que nous deviendrons sources, à notre tour, jaillissant et rejaillissant jusqu’en la vie éternelle.