Nombres 24, 1-19

Que retenir de l’histoire de Balaam ?

Père Pierre Buis

Le livre des Nombres, CE 78, p. 53s

Que retenir de l’histoire de Balaam ? Beaucoup ne se sont intéressés qu’aux oracles, du moins au quatrième, à cause de sa lecture messianique de l’étoile de Jacob, déjà attestée à Qumran et dans les Targums. Cette lecture figure-t-elle dans le Nouveau Testament ? L’étoile des Mages relèverait plutôt d’un autre symbolisme d’origine astrologique, car l’étoile qui se lève signifie une naissance remarquable. Cependant des commentateurs rapprochent volontiers l’épisode des Mages et d’Hérode face à Jésus, de celui de Balaam et de Barach face à Israël. En tout cas, la lecture messianique se trouve chez Justin et Origène, et elle sera reprise par différentes liturgies. C’est que dans le Proche-Orient ancien, les étoiles étaient des êtres divins, des fils de Dieu. L’étoile issue de Jacob désigne donc facilement une personne d’origine divine et pourtant issue d’une souche humaine.

On s’intéresserait aujourd’hui au personnage même de Balaam. Qu’un  non-israélite soit présenté comme un prophète du Seigneur, inspiré par son Esprit, est un jalon important dans le développement de l’universalisme. Il pose la question de la possibilité d’une révélation divine en dehors d’Israël. Tout ceci suppose qu’on suive la tradition favorable : le Nouveau Testament, qui ne retient que l’autre, ne pouvait pas développer ce thème, qui rejoint pourtant bien des paroles de l’Evangile.

Mais on s’est intéressé aussi à l’ânesse. On a voulu en faire un cas exceptionnel de prophétisme. Le texte ne permet pas cette lecture, puisque l’ânesse ne parle que pour se plaindre. Elle apparaît plutôt comme le porte-parole des opprimés, des exploités, des sans-voix à qui Dieu sait donner la parole. Plus clairvoyante que le prophète qui la monte, elle est l’image des pauvres et des petits qui accueillent la Parole refusée par les sages et les puissants. De façon plus immédiate, elle exprime la plainte du plus mal traité des animaux, l’âne, dont parle souvent la Bible.

Mais le message essentiel de cette section ne peut être que la bénédiction. Balaam constate qu’Israël est béni en tous les domaines (fécondité, agriculture, puissance militaire, sécurité). Le prophète ne mentionne pas la racine théologique de cette bénédiction indestructible qu’il proclame. Cette bénédiction peut être contagieuse ; elle avait été promise à Abraham : Je bénirai ceux qui te béniront. Et la contrepartie est vraie : Qui te bafouera, je le maudirai. Balaam finit par maudire ceux qui l’avaient appelé pour maudire Israël.