Nombres 22, 1-8a+20-35

Le recours aux armes spirituelles

Origène

Homélie XIII sur les Nombres, SC 442, p. 137s

En Egypte, et dans tout l’Orient, à l’époque, bien des différences existent entre les magiciens, certains valent mieux que d’autres. Balaam était célèbre dans l’art de la magie ; son art ne comprenait pas de formules de bénédiction, mais il possédait parfaitement celles de malédiction. C’est qu’en effet, on invite les démons à maudire, pas à bénir ! Balaam, par ses malédictions, avait fréquemment mis en déroute des ennemis en armes, là où l’on ne pouvait qu’à grand peine y parvenir avec le fer et les armes. C’est pourquoi le roi de Moab, Balach, délaissant tous les moyens et secours guerriers, lui envoie dire par des émissaires : Voici qu’un peuple est sorti d’Egypte, il a couvert la face de la terre et s’est établi en face de moi.

       Balach avait appris que les fils d’Israël remportent généralement leur victoire sur leurs ennemis par la prière, non par les armes, moins par le fer que par les supplications. Israël, en effet, n’a pas pris les armes contre Pharaon, mais il lui a été dit : Le Seigneur combattra pour vous, et vous vous tiendrez tranquilles. Dans la bataille contre les Amalécites, la force des armes n’a pas été aussi efficace que la prière de Moïse : tant que Moïse tenait les mains levées vers Dieu, Amalech pliait, mais quand il baissait et laissait tomber les bras, c’était Israël qui perdait.

       Le roi de Moab avait donc appris que ce peuple obtient la victoire par ses prières et qu’il combat ses ennemis de bouche et non d’épée ; il a réfléchi là-dessus et s’est dit : Puisque les armes ne peuvent pas entrer en ligne avec les prières et les supplications de ce peuple, il me faut trouver des supplications, des armes verbales et des prières qui puissent l’emporter sur les leurs.

       Que telles aient été les réflexions du roi, tu peux t’en convaincre par ces paroles de l’Ecriture : Moab dit aux anciens de Madian : ce rassemblement va brouter tous les habitants de notre région, comme le bœuf va brouter l’herbe de la plaine. Pourquoi cette comparaison du bœuf qui va brouter l’herbe de la plaine ? Sans doute parce que le bœuf, en broutant arrache l’herbe de la plaine et qu’il se sert de sa langue comme d’une faux pour couper tout ce qu’il trouve ; de la même façon, ce peuple, comme le bœuf, utilise pour son combat la bouche et les lèvres : ses armes, ce sont ses paroles et ses prières. Ce que sachant, le roi dépêche des envoyés à Balaam pour qu’il oppose paroles à paroles, prières à prières.