Luc 24, 35-48

L’apparition au Cénacle

Père Joseph Schmitt

Le récit de la résurrection dans l’évangile de Luc, RSR, 1951, n°3, p. 231s

        L’évangéliste Luc souligne qu’à l’exemple des femmes, les Douze crurent, eux aussi, dès le jour de la résurrection. L’apparition de Jésus le soir de Pâques, après le retour des disciples d’Emmaüs, Luc le développe et en fait, à vrai dire, un tableau du commerce que le Ressuscité entretint avec les siens pour les préparer à être les témoins de sa gloire céleste. Dans la pensée de Luc, l’expérience pascale des disciples comporte un double aspect : les actes moyennant lesquels le Christ établit la réalité de sa résurrection, et les enseignements par où il en précisera la signification religieuse.

        Les premiers versets (37-43) énumèrent les principales preuves alléguées à l’appui du fait pascal. En narrateur soucieux du trait psychologique, Luc les présente dans un ordre de force convaincante croissant. Jésus montre aux apôtres les plaies de ses mains et de ses pieds pour les convaincre de son identité avec le Christ de la Croix. Il les invite à palper ses membres, leur indiquant par là qu’il n’est point un esprit. Mieux : pour vaincre leurs doutes, il mange devant eux. Ce dernier trait n’est pas mentionné dans le récit parallèle de saint Jean : Luc l’a sans doute ajouté aux deux preuves précédentes pour compléter en quelque sorte son tableau des actes par lesquels Jésus prouva lui-même la réalité de l’événement pascal.

        Les versets suivants (44-49) touchant les instructions du Ressuscité se signalent par un caractère lucanien plus prononcé encore. Pour éclairer la foi naissante des disciples, le Christ leur montre, par l’Ecriture et ses propres prédictions, que le fait de Pâques répond à une disposition spéciale du plan divin et qu’il inaugure une ère nouvelle dans l’histoire religieuse. Valeur salvifique de la Croix, de la Résurrection et de l’Evangile, descente imminente de la promesse du Père, prédication ultérieure à toutes les nations, en commençant par Jérusalem : tels sont les divers points sur lesquels portent les enseignements du Seigneur.

         Tous ces thèmes sont caractéristiques des écrits de saint Luc. Pour l’auteur du troisième évangile et des Actes, l’histoire de l’humanité est, par définition, l’histoire du salut. Don de Dieu, le salut marque le terme auquel aboutit l’action du Père dans le monde : il est annoncé dans les Ecritures ; il se manifeste à Bethléem la ville de David, en Jésus Fils de Dieu et Sauveur ; il est consommé à Jérusalem par la Passion et la Résurrection ; enfin, grâce à l’Esprit-Saint et à l’Evangile, il se répand en Judée et en Samarie, voire jusqu’aux confins de la terre.