Ephésiens 4, 1-24

Qu’il entre le roi de gloire

Cardinal Jean Daniélou

Bible et Liturgie, chapitre 18, l’Ascension, p. 410s

       L’Ascension exprime le mystère pascal dans une perspective messianique. Elle est la fête de l’instauration royale du Messie, telle que la préfigurait la liturgie des psaumes. C’est le psautier qui est le principal lieu biblique de l’Ascension.

       Saint Justin écrit dans son Apologie : Voyez qu’il devait remonter au ciel selon les prophéties. Il a été dit : Levez les portes des cieux, qu’elles s’ouvrent et le roi de gloire entrera. Ceci est une citation du psaume 23. Le plus ancien témoignage que nous possédions de l’application de ce psaume à l’Ascension se trouve dans l’Apocalypse de Pierre : Les anges se pressaient entre eux, afin que fût accomplie la parole de l’Ecriture : Ouvrez vos portes, ô princes. Ici, les princes sont considérés comme les anges, gardiens de la sphère céleste dans laquelle le Verbe de Dieu introduit à l’Ascension l’humanité à laquelle il s’est unie.

       L’application de ces versets à l’Ascension a été très tôt combinée avec un thème théologique qui apparaît à date ancienne, celui du  Christ descendant dans le monde à l’insu des puissances angéliques des cieux intermédiaires qui sont dans la stupeur quand elles le voient remonter dans sa gloire. Ce thème apparaît d’abord dans l’Ascension d’Isaïe : Quand le Verbe descendit dans le troisième ciel, et qu’il se transforma selon la forme des anges du troisième ciel, ceux qui gardent la porte du ciel demandèrent le mot de passe, et le Seigneur le donna pour ne pas être reconnu. Quand, au retour, le Christ monta dans le troisième ciel, il ne se transforma pas, mais tous les anges qui sont à droite et à gauche, et le trône qui est au milieu d’eux l’adorèrent et le louèrent, ils dirent : Comment notre Seigneur nous a-t-il été caché quand il est descendu ?

          Le thème de l’Incarnation cachée aux anges se retrouve dans un passage extraordinaire de saint Ignace d’Antioche : Le prince de ce monde a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort du Seigneur, trois mystères retentissants accomplis dans le silence de Dieu. Cette ignorance des puissances, lors de l’Incarnation, et la manifestation qui leur est faite de la gloire de l’Homme-Dieu à l’Ascension, remonte à saint Paul : Nous prêchons, écrit-il aux Corinthiens, une sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée. Cette sagesse, les princes de ce siècle ne l’ont pas connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire. Et c’est à la vue de l’Eglise que les principautés et les puissances dans les cieux connaissent la sagesse infiniment variée de Dieu. Or, ce thème du descensus caché et de l’ascensus manifesté aux anges, gardiens des portes du ciel, s’accordent admirablement avec l’application à l’Ascension du psaume 23 : ouvrez-vous, portes éternelles, qu’il entre le roi de gloire.