Les Actes des Apôtres 28, 15-31

Le mystère du Cénacle

Cardinal Jean Daniélou

Revue Au Cénacle, mars 1953

       Au jour de l’Ascension, l’œuvre du Christ est achevée. Le Verbe de Dieu, envoyé par le Père, après s’être uni à la nature humaine et l’avoir lavée dans le sang de sa passion, l’introduit comme une épouse immaculée dans la maison de son Père.

       Au jour de la Pentecôte, l’œuvre de l’Esprit commence. Envoyé par le Père et le Fils, il va faire surgir à l’existence la création nouvelle, le cosmos de l’Eglise, comme à l’origine du monde. Il a suscité des eaux primitives la première création, le cosmos de la nature. Cependant entre l’Ascension et la Pentecôte, il y a un espace mystérieux, bref selon les mesures humaines, mais qui constitue à lui seul un âge, et où, dans un silence semblable à celui qui précède la création du monde, la mission de l’Esprit est décrétée dans le secret des divins conseils.

       Ces dix jours sont presque vides d’événements terrestres. La scène du monde s’est transportée de la terre dans le ciel. C’est là que s’accomplissent les vrais événements de ce temps. Ils sont dérobés aux regards humains.

       Ces événements, qui sont cependant parmi les plus importants de l’histoire sainte, l’Ecriture nous permet-elle d’en entrevoir quelque chose ? Par l’Ascension, l’humanité, que le Verbe de Dieu s’est unie, a été exaltée au-dessus des chœurs angéliques. Tel est le sens théologique de l’Ascension selon que nous l’enseigne saint Paul : Dieu l’a fait asseoir dans les cieux au-dessus de toute principauté, de toute humanité, de toute puissance, de toute domination, au-dessus de tout ce qui peut se nommer dans le siècle présent et dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses pieds. L’humanité du Christ est introduite dans la sphère trinitaire au-dessus de toutes créatures, au milieu de la stupeur des anges. La liturgie céleste s’instaure autour de lui : Au nom de Jésus, tout genou fléchit dans le ciel.

        Au-delà des Apôtres assemblés autour de Marie au Cénacle, au-delà des chœurs angéliques plongés dans la stupeur, dans un recueillement semblable à celui qui précédait la création du monde, le temps étant comme suspendu et l’univers entier dans l’attente, le Fils demande au Père de consommer son œuvre sur la terre par la mission de l’Esprit, envoyé par le Père et le Fils. Et c’est là proprement le mystère qui s’accomplit durant les dix jours, entre l’Ascension et la Pentecôte, entre la glorification du Fils et la mission de l’Esprit qui en est la suite. C’est le mystère que Marie contemple, toutes les puissances de son âme recueillies en Dieu. Mais c’est un mystère si caché qu’à peine l’Ecriture nous le laisse entrevoir.