Marc 6, 30-34

« Venez à l’écart dans un endroit désert »

Saint Augustin

Commentaire du psaume 54, OC 12, p. 564s

       Qui me donnera des ailes de colombe, que je m’envole et me pose ? Voici, je  m’enfuirais au loin, je gîterais au désert. Dans quel désert irai-je ? Partout où tu seras, d’autres se rassembleront, ils se rendront dans ta solitude, ils voudront partager la même vie que toi, tu ne pourras repousser la société de tes frères : par là même, des méchants viendront se mêler à toi. Voilà que je me suis éloigné, j’ai fui, j’ai demeuré au désert. Dans quel désert ? Peut-être dans ta conscience, où nul homme ne peut entrer, où nul n’est avec toi, où il n’y a que toi et Dieu. Car si tu entends par le désert un lieu quelconque, que feras-tu de ceux qui s’y rassembleront ? En effet, tu ne peux être séparé du genre humain tant que tu vis parmi les hommes. Porte plutôt ta pensée sur notre Seigneur, notre Empereur et notre Roi, notre Créateur qui a daigné venir comme une créature au milieu de nous, et remarque qu’au milieu des douze Apôtres, il a laissé s’introduire un méchant qu’il devait supporter.

       Le psalmiste poursuit : Je me suis éloigné, j’ai fui et j’ai demeuré au désert. Peut-être, comme je l’ai dit, s’est-il réfugié dans sa conscience où il aura trouvé un désert pour se reposer. Mais l’amour du prochain le trouble. Il était seul dans sa conscience, mais non pas seul dans sa charité ; sa conscience le consolait intérieurement, mais au-dehors les afflictions ne l’abandonnaient pas. C’est pourquoi, tranquille en lui-même, mais, dépendant encore des autres, il se sent troublé. Que dit-il alors ? J’aurais bientôt un asile contre le vent déchaîné. Tu es sur la mer, tu es au milieu de la tempête, il ne te reste plus qu’à crier : Seigneur, je péris. Que celui-là te tende la main, lui qui marchait sans crainte sur la mer, qu’il te soulève tout tremblant, qu’il appuie sur sa propre force ta sécurité, qu’il parle en toi et te dise : pense à ce que j’ai souffert, peut-être as-tu à supporter un frère méchant, un ennemi du dehors. Quels sont ceux que je n’ai pas supportés ? La tempête peut être furieuse, mais il sauve les siens. J’attends celui qui me sauvera de la mort.