Job 11, 1-20

Si Dieu voulait

Elie Wiesel et Josy Eisenberg

Job ou Dieu dans la tempête, p. 250s

       Un troisième ami entre en scène, Tsophar de Naamat, et sa réponse à Job commence, comme celle de ces deux compères, par un ricanement méprisant : Job est à nouveau traité de beau parleur. Job est accusé, non seulement de parler pour ne rien dire, l’homme des lèvres, mais de discourir d’abondance, autrement dit de noyer le vide de la pensée par l’abondance du discours. C’est toujours la même réaction au discours de Job : son discours est scandaleux, subversif, et ne saurait rester sans réponse. Pensez : Job vient de prononcer un long discours, deux chapitres, et l’on imagine parfaitement Tsophar rongeant son frein pour finir par éclater. Eliphaz, lui aussi avait dit qu’il ne pouvait plus retenir ses mots.

       Tsophar a un discours rentré qui ne présente aucune originalité : il ne fait pratiquement que répéter les thèses de ses deux amis, il apporte juste quelques éléments nouveaux à « l’affaire Job » ; principalement, il précise une accusation qui était plutôt voilée dans les discours précédents : Job a dû commettre une faute : Si Dieu parlait, ditil, il t’en demanderait raison. Tu prétends être pur ? Mais il y a dans la sagesse divine deux fois plus de choses que l’entendement humain n’en saurait concevoir. Et si Dieu disait tout, ta faute serait publiquement révélée. Mais c’est exactement ce que Job souhaite ! Que Dieu  parle. Lorsque Tsophar menace : Si Dieu parlait…, Job doit bondir en disant : Je n’attends que cela ! Mais Tsopahr insinue que Dieu aurait des choses très désagréables à révéler sur Job. Voilà qui est grave : on pourrait être coupable sans le savoir, sans le montrer ! Voilà le soupçon des amis de Job : Job a, comme on dit, un cadavre dans son placard !

       Mais ce soupçon est fondé par la souffrance. Or, c’est là que le principe des amis sonne faux : ce n’est pas parce que je souffre que je suis coupable. Il y a tant de souffrances dans le monde qui sont sans aucun lien avec une faute ou avec un crime !