Job 6, 1-30

Sœur Jeanne d’Arc

Elie et nous, VS 87, 1952, p. 289s

       Elie a beau être chargé de faire tomber la foudre ou de prononcer des arrêts de vengeance, il semble bien que l’essentiel de son message soit dans la révélation de l’intimité divine. Son histoire nous montre quelle condescendance Dieu a pour ses disciples qui tiennent à le suivre lorsqu’il préférerait être seul. Sur la montagne, Dieu est le grand solitaire, il nous invite à monter auprès de lui, puisqu’il nous a livré son expérience la plus intense et la plus haute, cette nuit sur l’Horeb où Dieu a ouvert a son prophète, et par lui à tout son peuple, une lumière nouvelle. A Moïse, en ce même lieu, Dieu avait révélé son Nom, le Nom qui dit quelque chose de sa nature ; à Elie il révèle, dans une rencontre vivante sa manière d’être, cette intimité qui est le propre de l’esprit. La plénitude de la révélation seule nous dira jusqu’où va cette intériorité : dans la Sainte Trinité, c’est le Fils éternellement dans le sein du Père, l’immanence des trois Personnes si complète qu’elles sont un seul Etre.

       Pour nous, nous sommes isolés par nos corps opaques, impénétrables, nous ne pouvons échanger du spirituel  qu’avec des paroles. Heureusement que parfois l’échange va plus loin, quand l’amitié atteint au niveau du silence. « Heureux deux amis qui s’aiment assez pour savoir se taire ensemble », disait Péguy. Mais quelle extériorité, quelle impénétrabilité trop réelle fait encore écran !

       Dieu est immanent, plus intime en moi que moi-même et sans cesse présent. Dieu est ici et je ne le savais pas, s’exclame Jacob après son songe. Tout notre effort doit être de le savoir le plus souvent possible, d’être nous aussi présents à Dieu.

       Le mot même par lequel Elie déclare qu’il sert le Dieu vivant est éclairant sur ce point. Il dit : en face de qui je me tiens. Si Elie veut déclarer qu’il sert le Dieu vivant, l’expression est courante pour exprimer le service, il ne nous est pas indifférent de constater que parmi tant de façons possible, il ait préférer l’exprimer en disant simplement : Je me tiens en face de lui. Dieu n’a pas besoin de nos services, ni de ceux d’Elie. Le seul service qu’il attende de nous, c’est l’attention, la présence : que nous nous tenions devant lui. La révélation, s’épanouissant, aura ce mot étonnant : il a mis ses délices à être avec les enfants de Dieu. Si le Seigneur nous fait la grâce de nous faire percevoir cette présence, c’est une grâce. Tout notre effort doit être de rendre sans cesse vivante, actuelle, notre foi en cette présence par laquelle une créature intelligente retrouve son centre de gravité ontologique, et l’enfant de Dieu l’intimité avec le Père.

       Cette présence est un souffle silencieux, si imperceptible que n’importe quel bruit le couvre, et il faut que l’âme ait appris à le discerner  de tout ce qui n’est pas lui.