Jonas 1,1 – 2,11

Jonas et l’homme de partout

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 225s

 Le livre de Jonas est un tout petit récit d’environ trois pages. On y peut distinguer deux séries d’événements. L’une est fort surprenante, l’autre est une suite de miracles. Ajoutons ceci : les livres les plus éloignés de l’histoire exacte nous en apprennent long sur ce qui se passait dans le cœur de leurs auteurs et de ceux qui les lisaient.

       Voici donc la première série d’événements, déjà surprenants : Ninive capitale de ce qui avait été, avant Babylone, la grande puissance de la région, était si vaste qu’il fallait trois jours pour la traverser à pieds. Le Seigneur envoie aux Ninivites le nommé Jonas, prophète d’Israël, avec un message qui consiste à leur dire que leur méchanceté est montée jusqu’à Dieu. Ils seront sanctionnés : Encore quarante jours et Ninive sera  détruite. Jonas commence par s’enfuir parce que, connaissant la bonté de Dieu, il a peur que sa prédiction ne s’accomplisse pas.

       Mais Dieu le ramène à Ninive. Le prophète n’a pas encore marché un  jour entier que le peuple, déjà, se vêt de sacs, jeûne, fait pénitence. Le roi prononce alors un édit : tous, même évidemment les animaux, devront continuer à jeûner. Dieu revient alors sur sa décision. Ce revirement est un drame pour Jonas, qui voit arriver justement ce qu’il avait craint : Ninive ne sera pas châtiée. Toujours est-il que, Jonas persistant à attendre pour voir ce qui arriverait dans la ville, Dieu finit par lui dire : Jonas, il y a ici plus de cent vingt mille êtres humains qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche, ainsi qu’une foule d’animaux, et je ne serais pas en peine à l’idée qu’ils périssent ?

       Même sous cette forme réduite, l’histoire de Jonas ne manque pas de toucher. Le dépit du prophète démenti par l’événement est d’un comique irrésistible. Et puis, et surtout, cette leçon sur l’amour de Dieu pour tout vivant et même pour les pires ennemis d’Israël nous en dit long sur les horizons qui s’ouvrirent à quelques-uns dans le peuple à partir de l’exil et se fermèrent à d’autres. L’auteur a fort bien pu se sentir très seul devant une large majorité. Il aura voulu inviter Israël à se reconnaître dans Jonas.