2 Corinthiens 3,7 – 4,6

La Transfiguration : actualisation du Royaume, attente de la parousie

Constantin Andronikoff

Le sens des fêtes, p. 237

              Pour surmonter Gethsémani, le Golgotha et le Sépulcre, pour accomplir l’œuvre du retour au Royaume et recouvrer l’état paradisiaque, et donc pour tenir quelle que soit la durée des temps et des délais que le Père a fixés de sa propre autorité, l’humanité a besoin de connaître, au moins de prévoir ou de pressentir le Royaume. La Transfiguration en est une image à la fois symbolique et réelle, une icône ; elle en est la préfiguration in actu. Tel est le sens pédagogique de l’événement, car les prophéties sont un ressort indispensable de l’histoire spirituelle.

       La lumière qui couvre les participants accompagne cette prophétie d’une splendeur particulière. Cette lumière est la robe nuptiale de l’Epoux, quand il se montre dans sa gloire devant l’Epouse, représentée ici par Pierre, Jacques et Jean, disciples du Nouveau Testament, par Moïse et Elie, la loi et les prophètes de l’Ancien. En un instant, par la prière du Dieu-homme, sur la montagne, les fidèles sont détachés des éléments chaotiques du monde. La confusion et le compromis du quotidien disparaissent, ils rentrent dans l’ordre divin, dans l’harmonie du créé en accord avec le Créateur, pour un instant, dans l’éternité. Ils sont illuminés de ce don tant attendu par l’humanité et absolument nouveau pour elle, qui est de participer à la glorification du Dieu-Homme par l’Esprit sous la voix du Père : ce don éclatant est la révélation de la Très Sainte Trinité. A ce point sublime, qui est l’une des fins du salut et l’idée fondamentale du christianisme, les vivants se jettent la face contre terre. Mais ils ont vu et entendu ce pour quoi ils sont nés.

       Jésus avait appris aux siens qu’il allait être trahi et mis à mort, qu’il allait toucher le fond de l’humiliation et de la souffrance humaine, l’extrémité de la kénose, de la condescendance divine. Il leur montrait maintenant l’objectif final du salut. Avant de monter sur le Golgotha, il les fait accéder au Thabor. Sans avoir vu la glorification lumineuse, ni en avoir conçu l’espoir pour la fin des temps, les disciples auraient pu céder naturellement à la désolation de la mort de Dieu, au désespoir devant son tombeau, et devant la faillite apparente de l’entreprise messianique. Face à l’échec présumé de nos propres aspirations et la perspective de notre mort inéluctable, nous pourrions nous-mêmes être troublés par des sentiments analogues. La Transfiguration nous permet d’attendre Pâques et de prévoir l’avenir au-delà de la Parousie. Son eschatologie justifie le christianisme quant à la doctrine et la chrétienté quant à l’histoire.