Judith 2,1-12 + 4,9-15

La mission d’Holopherne

Guy Labouérie

Cahiers Evangile, n° 132, Le Livre de Judith ou La guerre et la foi, p. 13s

 

       Nabuchodonosor veut se venger de toute la terre. L’expression rappelle étrangement le propos de Dieu dans le récit du Déluge dans le livre de la Genèse (6,17) : Je vais amener le Déluge, les eaux sur la terre, pour exterminer de dessous le ciel toute chair ayant souffle de vie : tout ce qui est sur la terre doit périr. Plus tard, l’Alliance avec Noé annihilera toute nouvelle destruction : Lorsque j’assemblerai les nuées sur la terre, et que l’arc apparaîtra dans la nuée, je me souviendrai de l’Alliance qu’il y a entre moi et vous et tous les êtres animés, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. La volonté de Nabuchodonosor est communiquée à ses conseillers, non pour discussion, mais pour exécution. C’est Holopherne, général en chef de l’armée, qui en est chargé.

       Ainsi, tant dans l’introduction narrative que dans le discours adressé à Holopherne, Nabuchodonosor prend la place de Dieu : les formules qui se rapportent habituellement à Dieu dans l’Ecriture sont mises ici dans sa bouche, indice pour le lecteur d’un orgueil blasphématoire.

       Quant au discours du monarque, c’est l’unique discours de Nabuchodonosor dans tout le livre de Judith. Il est introduit par la formule de messager caractéristique de la littérature prophétique : Ainsi parle… Le roi commande une expédition d’extermination contre ceux qui ont désobéi aux paroles de ma bouche : déportation des populations, occupation de leurs territoires, massacre et pillage. Le discours se termine par un serment : par ma vie et la force de ma royauté, j’ai parlé, et j’exécuterai cela de ma main. Holopherne est tenu d’exécuter toutes les paroles de son roi.

       Nabuchodonosor se prend pour un dieu, un dieu tout-puissant, et la mission confiée à Holopherne est une punition : Il faut « punir » et punir pour un crime majeur ; « ils ont désobéi ». Alors que jusqu’ici ces peuples étaient et se savaient libres et indépendants, d’où la réponse de leur choix à Nabuchodonosor, le roi les considère maintenant comme des esclaves conquis et ne peut supporter qu’ils s’opposent à son désir. On retrouve là une démarche commune à tous les « puissants » : le puissant ne peut accepter dans son aire, quelle qu’elle soit, quelqu’un ou quelque Etat qui ne lui soit pas soumis ; sinon, il ne serait pas le « puissant ». L’histoire le démontre simplement.