Tobie 7,9-16 + 8,4-14

Père Benoît Billot

Le chemin de Tobie, initiation et guérison, p. 106s

 

       En arrivant à Ecbatane, conduit par son compagnon divin, Azarias, voici Tobie à un tournant de sa vie. Etonnant ! Jusque-là Tobie a été un disciple obéissant : il a suivi à la lettre les injonctions d’Azarias. Maintenant, il commande ! Azarias, mon frère, conduis-moi tout droit chez notre frère Ragouël Un pas vient d’être franchi, il est devenu un homme. Bien entendu, les choses sont racontées en raccourci, mais ce condensé nous permet de mettre à jour les grandes étapes de la maturation humaine.

       Notons aussi cette belle hospitalité : Ragouël, assis devant la porte de la cour, les reçoit comme des hôtes divins. On peut penser à Abraham accueillant ses trois visiteurs, assis à la porte de sa tente, au chêne de Mambré. Edna, la femme de Ragouël les interroge : D’où êtes-vous, frères ? Ils répondent ensemble, puis Tobie prend la parole personnellement.

       Le nom d’Edna, Délice, a la même racine que le mot Eden. Ragouël signifie Dieu est ami ; Ragouël, qui sait regarder, trouve tout de suite un air de famille à Tobie. L’affaire est racontée de façon fort amusante. Il fait une réflexion, en aparté, à son épouse, et c’est elle qui se charge de mettre au clair l’identité des deux voyageurs. Au cours de cette petite conversation, Tobie, peu à peu, se découvre jusqu’à dire : C’est mon père. Nous pouvons découvrir là une réminiscence de l’histoire de Joseph, le fils du patriarche Jacob. Ses frères, qui l’avaient vendu à des marchands, le retrouvent plus tard, sans le reconnaître, dans le rôle du Maître du palais de Pharaon. C’est peu à peu que Joseph se fera alors reconnaître d’eux.

       Ragouël bénit Tobie. La bénédiction du père de famille a toujours beaucoup d’importance. Et combien redoutable est sa malédiction. Il y a là comme une énergie qui se transmet de génération en génération. Dans  les temps modernes, on a oublié l’importance de ce geste, pourtant naturel.

       Tobie prend alors l’initiative : il demande à Azarias de faire l’intermédiaire entre lui, Tobie, et Ragouël ; ce n’était pas l’habitude, en effet, de faire soi-même la demande en mariage, il fallait dépêcher un proche parent. Ragouël, non seulement sait regarder, mais il a aussi l’oreille fine. Il a capté le message et répond directement à Tobie en commençant par l’inviter à faire la fête. On sent là quelque ambiguïté ! Ii y a peut-être du désespoir dans son appel à manger et à boire ; cela fait penser au chapitre 22 du Livre d’Isaïe : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. A moins que, dans la tête un peu tortueuse de Ragouël, il n’ait germé l’idée d’enivrer Tobie pour qu’il ne se rende pas compte de la catastrophe qui va lui arriver… ! Cependant, il ne lui cache rien du problème et place sa confiance dans le Seigneur.