Apocalypse 12, 1-17

La foi des anges

Dom Paul Benoist d’Azy

Les anges devant le mystère de l’Incarnation, BLE 1948, n° 3, p. 140s

 

       Une fois établi que les anges avaient connu par avance l’Incarnation, les théologiens devaient se demander à quel moment avait commencé pour eux cette prévision : était-ce seulement la vision béatifique, ou auparavant dans la période de foi et d’épreuve qui précéda leur récompense ? A vrai dire, le problème ne fut posé et ne pouvait l’être qu’à une époque relativement tardive.

       Le XIIème siècle, à la suite de saint Augustin, s’était surtout préoccupé de savoir si les anges avaient été créés bons ou mauvais, heureux ou malheureux, et, sous son influence, la question resta à l’ordre du jour, bien que tous s’accordassent à reconnaître leur pleine liberté et responsabilité. Au siècle suivant, la distinction entre la nature et la grâce étant mieux précisée, on se demanda dans quel état ils avaient été appelés à l’existence, nature pure élevée ensuite sur le plan surnaturel, ou nature enrichie dans le même instant de la grâce sanctifiante ? Longtemps la première opinion fut reconnue par tous ; peu à peu cependant, sous l’influence de saint Thomas, la deuxième hypothèse rallia les suffrages.

       C’est enfin à la même époque que le même Docteur posa explicitement et résolu par l’affirmative le problème de la foi des anges. Son contemporain Bonaventure admettait qu’au même instant avaient été conférés grâce, mérite et gloire. Il plaça l’ange comme le premier homme dans un état de grâce non encore consommée, dans une certaine orientation vers le bonheur qui lui était destiné. Orientation qui se traduit, dans son être par la grâce, dans son intelligence par la foi, dans sa volonté par l’espérance et la charité.

       La parallèle s’amorce donc entre l’ange avant son épreuve et l’homme innocent, si voisins par leur état naturel et surnaturel, si unis dans le plan de Dieu. Or, pour saint Thomas, Adam innocent eut la foi explicite dans l’Incarnation ; le Christ lui fut révélé, non comme le Rédempteur souffrant, c’eut été lui faire prévoir sa chute, mais comme la source de la gloire future ; de même, toujours pour saint Thomas, le Christ fut révélé aux anges pendant leur épreuve comme consommateur de leur gloire et Rédempteur des hommes.