Daniel 1, 1-21

Principes et classement

Edith Gerson-Kiwi

La musique dans la Bible, SDB, colonnes 1414s

       La première mention de la musique que nous rencontrons dans les livres bibliques se trouve à peu de distance du récit de la création : Le nom du frère de Yabal était Yubal ; il fut l’ancêtre de tous ceux qui jouent de la lyre et du chalumeau (Genèse 4, 21). Ce n’est pas un hasard : l’ethnographie nous fournit de semblables rapprochements, et les mythes sur l’invention de la musique ont plus d’ampleur en Chine, en Inde, et en Grèce. L’invention de la musique vient à sa place dans l’aperçu sur le développement de l’humanité que constitue le chapitre 4 de la Genèse. Il s’agit ici d’art et d’artisanat : ils prennent place après l’agriculture et l’élevage (Caïn et Abel), et le paysannat sédentaire (Yabal). C’est le frère de Yabal, Yubal, qui est dit le père de tous ceux qui jouent de la lyre et du chalumeau. Il est l’ancêtre et le symbole d’une des valeurs de vie fondamentale. La musique obtient ainsi son statut légal comme premier moyen d’expression de l’être humain ; comme la parole et la pensée, elle peut signifier, diriger, voire légiférer. Au logos de la pensée, correspond ici le pathos du son. Toutefois, tandis que le mot peut préciser sa signification, la langue du son reste polyvalente. Le son peut se frayer une voie jusqu’à l’âme humaine, non dans la clarté du concept, mais par des voies obscures, chargé qu’il est d’un contenu complexe et à plusieurs sens. Tandis que l’esprit obéit à la parole, c’est le psychique qui obéit au son. D’où un certain aspect magique de la musique. Elle a pouvoir incantatoire et l’Ecriture en porte témoignage depuis ses premiers livres ; on en trouve l’écho jusqu’à l’époque du Midrash. Cette liaison équivoque du son et de la magie finit par s’épanouir en des symboles cosmologiques, numériques et surtout ésotériques.

       Le son est lié au caractère fugitif du temps, il s’évanouit au moment même où il se fait entendre. Si l’on excepte ce qui, en lui, peut être déterminé par l’acoustique, son contenu ne peut être défini nettement par des signes d’écriture. C’est au mieux par l’intermédiaire de « l’instrument » dont il provient que l’on peut le circonscrire. Aussi la généalogie de Genèse 4,19 s’attache-t-elle à l’instrument. La classification qui y est mentionnée ne se borne pas à distinguer instruments à cordes et instruments à vent, elle est vraisemblablement plus profonde et plus large qu’on ne l’a souvent admis.