Ruth 2, 1-13

Sainte Lucie

Frère Jacques de Voragine

La légende dorée, tome 1, p. 54s

       Lucie, vierge de Syracuse, noble d’origine, entendant parler, par toute la Sicile, de la célébrité de sainte Agathe, alla à son tombeau avec sa mère Euthicie qui, depuis quatre ans, souffrait, sans espoir de guérison, d’une perte de sang. Or, à la messe, on lisait l’évangile où l’on raconte que Note Seigneur guérit une femme affligée de la même maladie. Lucie dit alors à sa mère : « Si vous croyez ce qu’on lit, croyez que Agathe jouit toujours de la présence de celui pour lequel elle a souffert. Si donc vous touchez son tombeau avec foi, aussitôt vous serez radicalement guérie ». Quand toute l’assistance se fut tirée, la mère et la fille restèrent en prière auprès du tombeau. Le sommeil alors s’empara de Lucie, et elle vit Agathe entourée d’anges, ornée de pierres précieuses, debout devant elle et lui disant : « Ma sœur Lucie, vierge toute dévouée à Dieu, que demandez-vous de moi que vous ne puissiez vous-même obtenir à l’instant pour votre mère ? Car elle vient d’être guérie par votre foi ». Et Lucie qui s’éveilla dit : « Mère, vous êtes guérie. Or, je vous en conjure, au nom de celle qui vient d’obtenir votre guérison par ses prières, de ne pas me chercher d’époux. Tout ce que vous deviez me donner en dot, distribuez-le aux pauvres ». « Ferme-moi les yeux auparavant, répondit la mère, et alors tu disposeras de ton bien comme tu voudras ».Lucie lui dit : « En mourant, si vous me donnez quelque chose, c’est parce que vous ne pouvez pas l’emporter avec vous : donnez-le-moi tandis que vous êtes en vie, et vous en serez récompensée ». Après leur retour, on faisait journellement des biens une part que l’on distribuait aux pauvres. Le bruit du partage de ce patrimoine vint aux oreilles du fiancé, et il en demanda le motif à la nourrice. Elle eut la précaution de lui répondre que sa fiancée avait trouvé une propriété de plus grand rapport, qu’elle voulait acheter à son nom ; c’était le motif pour lequel on la voyait se défaire de son bien. L’insensé, croyant qu’il s’agissait d’un commerce tout humain, se mit à faire hausser lui-même la vente ! Or, quand tout fut vendu et donné aux pauvres, le fiancé traduisit Lucie devant le consul Pascasius : il l’accusa d’être chrétienne et de violer les édits des Césars. Pascasius l’invita à sacrifier aux idoles, mais elle répondit : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est de visiter les pauvres, de subvenir à leurs besoins, et parce que je n’ai plus rien à offrir, je me donne moi-même pour être offerte ».