Jean 1, 1-18

« Au commencement, Dieu créa… »

Saint Augustin

Traité sur saint Jean, 2, 2-3

       Au principe était le Verbe. Il est identique à lui-même : ce qu’il est, il l’est toujours ; il ne peut changer, il est l’ÊTRE. C’est le nom qu’il fit connaître à son serviteur Moïse : Je suis celui qui suis. Et Celui qui est m’a envoyé. Comment le concevoir, alors que nous voyons changer non seulement les corps qui naissent, grandissent, se défont et meurent, mais même les âmes, car elles se distendent et éparpillent leur volonté en multiples désirs. Nous voyons des hommes qui peuvent apercevoir la Sagesse s’ils viennent se placer sous sa lumière et sa chaleur, mais qui peuvent la perdre si un mauvais désir les en éloigne. Puisque tout change, qui donc EST, sinon l’ÊTRE qui transcende tous les éphémères, lambeaux d’être, qui sont comme s’ils n’étaient pas ? Qui peut le comprendre ? Ou qui donc, à supposer qu’il bande toutes les forces de son esprit pour atteindre tant bien que mal CELUI QUI EST, pourra parvenir à l’ÊTRE que son esprit aura, si peu que ce soit, atteint ? Je le comparerai à un exilé qui, de loin, voit sa patrie : il voit où aller, mais n’a pas les moyens d’y aller.

       Ainsi nous voulons parvenir à ce port définitif qui sera le nôtre, là où est CELUI QUI EST, car lui seul est toujours le même. Mais l’océan du siècle est à la route et obstacle, bien que nous sachions désormais où nous devons aller. Pour nous donner le moyen d’y aller, Celui qui nous appelle est venu de là-bas ; il a choisi un bois pour nous faire traverser la mer : oui, nul ne peut traverser l’océan du siècle que porté par la Croix du Christ. Même un aveugle peut étreindre cette croix ! Si tu ne vois pas bien où tu vas, ne la lâche pas : elle te conduira d’elle-même.

       Mes frères, si vous voulez vivre dans l’esprit chrétien, attachez-vous au Christ tel qu’il s’est fait pour nous, afin de le rejoindre tel qu’il EST, et tel qu’il ETAIT. A tout prendre, mieux vaudrait  ne pas voir par l’esprit ce qu’il EST, mais embrasser la Croix du Christ, que de le voir par l’esprit et mépriser la croix du Christ. Puissions-nous à la fois, pour notre bonheur, voir où nous allons et nous cramponner au navire qui nous emporte ! Ils y ont réussi ceux que la lumière de justice baigne plus que les autres. les petits ne peuvent en comprendre si long : mais qu’ils s’attachent à la Croix du Christ, à sa Passion, et à sa Résurrection, et ils seront emportés, eux qui ne voient pas, dans le même navire qui porte aussi les voyants.