Isaïe 42, 10-25/Luc 1, 39-45

La visite de marie à Elisabeth et a Jean

Saint Bernard

Sermon pour la nativité de saint Jean-Baptiste, OC 6, p. 426s

       On lit de Jean qu’il bondit de joie dans le sein de sa mère. Voilà une chose surprenante qu’un enfant à peine conçu s’agite dans de tels mouvements, et se porte à la rencontre de celui qu’il sentit incarné dans le sein d’une vierge pour lui rendre doucement ses hommages. Âme bienheureuse, qui ne s’arrêta point dans la voie du péché, et qui sortant du séjour céleste par un sentier plus secret, éprouva la douceur d’une reconnaissance inouïe. Heureuse Elisabeth, vers qui porte ses pas en toute hâte la Mère du Sauveur, que l’Impératrice des cieux entoure de ses salutations empressées. Mais bien plus heureux cet enfant, qui, reconnaissant la majesté de celle qui salue, bondit de joie, dans le cachot ténébreux des entrailles qui l’entourent, parce qu’il comprend la puissance d’une si heureuse salutation. Et il arriva, dit l’évangile, que lorsqu’Elisabeth entendit le salut de Marie, son enfant tressailli de joie en son sein. La Vierge se dirigea en toute hâte vers la demeure de Zacharie pour saluer Elisabeth, portant elle-même en son sein le Fils de Dieu, le Roi de gloire, le Seigneur de majesté. Elisabeth va à sa rencontre, et, délivrée de l’opprobre de son ancienne stérilité, elle porte en ses entrailles bienheureuses, l’ami de l’Epoux et le héraut du Verbe. Elles s’embrassent, leurs corps se rapprochent, et roi et soldat ne sont plus séparés que par deux cloisons très faibles. Qu’y a-t-il d’étonnant si l’enfant s’étonne et tressaille au contact et au souffle de la divinité si rapprochée ? Pouvait-il ne point éprouver quelque impression miraculeuse, cet enfant pour qui étaient présents le roi, la Mère du Seigneur régnant, le Rédempteur du monde ? Et cela surtout quand l’union de ces saints embrassements fut répétée plusieurs fois. Marie resta avec Elisabeth environ trois mois, dit l’évangile. La Vierge parfaite demeure tout ce temps avec Elisabeth, et tantôt par ces douces paroles, tantôt par de bienheureux embrassements, elle consacre et illustre le petit Jean. Durant trois mois, elle daigne accepter l’hospitalité chez sa parente, jusqu’à ce que le neuvième mois achevé, la naissance du saint Patriarche eut lieu.