Isaïe 43, 1-13/Luc 1, 46-56

« Toutes les generations me diront bienheure »

Dietrich Bonhoeffer

Réforme 1971, n° 1398

       Voici, toutes les générations me diront bienheureuse. Qu’est-ce que cela signifie proclamer bienheureuse Marie, la modeste servante ? Cela ne peut vouloir dire autre chose qu’adorer avec émerveillement le miracle de Dieu qui s’est produit en elle, découvrir en elle que Dieu prend en considération et élève ce qui est humble, que la venue de Dieu dans le monde ne cherche pas les hauteurs, mais les profondeurs, et que la seigneurie de Dieu consiste en ceci : rendre grand ce qui est petit.

       Proclamer Marie bienheureuse ne signifie pas lui élever des autels, mais adorer avec elle le Dieu qui fait de grandes choses et dont le nom est saint.

       Proclamer Marie bienheureuse signifie savoir avec elle que la miséricorde de Dieu s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

       Proclamer Marie bienheureuse signifie fixer avec étonnement ses yeux et sa pensée sur les voies de Dieu, lui qui fait souffler son Esprit là où il veut. Cela signifie lui obéir et dire humblement avec Marie : Qu’il me soit fait selon ta parole.

       Lorsque Dieu choisit Marie comme son instrument, lorsqu’il veut entrer dans ce qui est petit dans ce monde, il ne s’agit plus d’une idyllique affaire de famille, c’est le commencement d’un renversement total, d’un nouvel ordre des choses. Si nous voulons prendre part à l’événement de l’Avent, nous ne pouvons pas y assister comme des spectateurs et nous réjouir seulement de toutes ces images. Nous sommes entraînés nous-mêmes dans cette action, dans ce retournement des choses ; il nous faut aussi jouer dans ce jeu. Toujours dès l’abord, le spectateur est un acteur : nous ne pouvons pas nous dérober.

       Qu’est-ce donc qui se joue lorsque Marie devient la Mère de Dieu ? Le jugement du monde et le salut du monde. Selon la promesse, c’est l’enfant de l’humilité qui tient en mains ce jugement et ce salut. C’est lui qui élimine les grands et les puissants, lui qui renverse les trônes des potentats, lui qui humilie les orgueilleux ; c’est lui qui élève de la poussière ce qui est en bas, et dans sa miséricorde le fait grand et magnifique. Quiconque s’approche ici voit se passer en lui quelque chose : il ne peut repartir que jugé ou délivré ; ou bien il faut qu’il s’effondre, ou bien il sait, tournée vers lui, toute la miséricorde de Dieu.