Romains 11, 1-12

Dieu n’a pas rejeté son peuple

Origène

Commentaire sur l’épître aux Romains, SC 543, p. 499s

       D’après ce qui a été dit plus haut par saint Paul, il semblerait peut-être que le peuple des Juifs a été rejeté par Dieu et qu’il n’a plus rien à espérer. Aussi, l’Apôtre, voulant tenir compte de cela et montrer qu’il subsiste une voie de salut pour le peuple d’Israël s’ils croient, et qu’ils ont été rejetés non point parce qu’ils sont la lignée d’Israël, mais parce qu’ils ont été incrédules, déclare : Dieu n’a pas rejeté son peuple que d’avance il a connu. Et pour prouver cela par un exemple actuel, il ajoute : En effet, moi aussi je suis israélite, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin, et cependant j’enseigne la foi en Jésus et j’annonce qu’il est lui-même le Christ. Or, si le fait que je suis israélite et de la descendance d’Abraham n’a pas été un obstacle m’empêchant de croire au Christ et d’être justifié par la foi en lui, il est certain que Dieu n’a pas rejeté son peuple que d’avance il a connu. Quant à la manière dont ceux qu’il a connu d’avance, il les a aussi appelés, et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés, et il a aussi dit que, d’après l’Ecriture, si Dieu connaît d’avance, ce n’est pas tant que Dieu connaisse d’avance le futur, ce qui ne peut être mis en doute, mais c’est que, par sa connaissance, il détermine et juge les gens qui en sont dignes.

       Mais de peur qu’on trouve peu de valeur au fait que l’Apôtre ait donné son propre exemple pour enseigner que le peuple de Dieu n’a pas été rejeté, l’Apôtre recherche des exemples plus valides et dit : Ou bien ne savez-vous pas ce que dit l’Ecriture dans le passage où Elie se plaint d’Israël à Dieu : Seigneur, ils ont tué les prophètes, démoli les autels ; moi seul, je suis resté et ils en veulent à ma vie ! Et tandis qu’Elie se lamentait auprès du Seigneur, écoute ce que lui répondent les oracles divins : Je me suis réservé sept mille hommes, ceux qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Il nous faut donc montrer selon nos forces comment ce qui est arrivé sous Elie est également arrivé à la venue du Christ et en ces temps où prêche l’Apôtre. Et vois si nous ne pouvons peut-être mettre, à la place d’Elie, Jean Baptiste qui a précédé la venue du Sauveur, puisque l’Evangile lui applique un tel témoignage : il est venu avec l’esprit et la puissance d’Elie, et le Seigneur lui-même dit à son sujet : Si vous voulez le savoir, il est lui-même Elie. Celui qui était venu avec l’esprit et la puissance d’Elie avait à ce point désespéré de ce peuple qu’il ne les appelait plus génération d’Abraham, mais génération de vipères. A lui donc qui se plaignait à propos du peuple, cette réponse était donnée  par notre Seigneur et Sauveur : Mes brebis écoutent ma voix, moi je les précède et celles qui sont miennes me suivent. J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi je dois les conduire.