Luc 13, 1-9

Le jugement est en route

Pères  Bossuyt et Radermakers

Jésus, Parole de la Grâce selon saint Luc, p. 317s

        Deux faits de l’histoire récente sont signalés par Jésus, deux cas de mort violente et prématurée : Pilate a  fait massacrer des Galiléens et une tour a écrasé des habitants de Jérusalem. Luc n’en retient que leur valeur d’interpellation : pourquoi certains sont-ils tués et d’autres épargnés ? Pourquoi cette inégalité devant la mort ou devant la vie sauve ? Les gens, à l’époque, attribuent facilement cette inégalité au péché de ceux qui sont morts ; deux mille ans plus tard, la sclérose religieuse aidant, nous invoquons simplement le hasard… Jésus les détrompe et nous détrompe. Ce qui est arrivé est un signe des temps, un de ces signes souvent mal interprétés : la mort des uns et la vie sauve des autres sont le signe, non la réalité, du jugement définitif déjà en route.

        L’avertissement de Jésus est solennel ; par deux fois, il reprend avec force si éventuellement, vous ne vous convertissez pas sans cesse, tous semblablement vous périrez. La vieille théorie de la rétribution temporelle est liquidée, mais une menace pèse, plus que jamais en ces heures décisives, sur tous et sur chacun. Non, affirme Jésus, les hommes tués par les soldats de Pilate ou par la chute de la tour n’étaient certes pas plus pécheurs que les autres ; mais ils étaient pécheurs, car tous les hommes le sont, et les catastrophes dont ils furent victimes doivent servir d’avertissement providentiel : elles invitent Israël, et à travers lui tous les hommes, à se convertir et à reconnaître l’Envoyé de Dieu.

        Mais la question rebondit : si tous sont pécheurs, et donc passibles de mort, comment expliquer que tous ne soient pas morts ? A cette question répond la parabole qui suit. Il s’agit d’un figuier planté dans une vigne. Israël s’identifiait volontiers à la Vigne chérie du Seigneur dont ont parlé bien des prophètes, mais les prophètes rappelaient que cette stérilité appelait un châtiment dévastateur.

        Ainsi, dans cette vigne, Israël n’est qu’un figuier sans fruit, sans fruit de conversion, comme le soulignait Jean Baptiste, un figuier en sursis. Convertissez-vous tant que vous êtes encore au temps de la patience de Dieu, disait Jean. On mesure l’humiliation de ceux qui se voient révéler par Jésus la profondeur de leur péché et la patience de Dieu. Dans ce contexte, on peut comprendre le Voici trois années que je viens, comme une allusion au ministère de Jésus, et le Laisse-le encore pendant cette année comme une référence à l’année de grâce proclamée au début du ministère de Jésus. Par la conduite, à première vue incompréhensible du vigneron, Jésus fait découvrir un comportement qui dépasse l’ordre humain. L’insistance de la parabole, en effet, porte sur la bonté de Dieu : la méchanceté de l’homme ne peut empêcher Dieu d’être bon.