1 Chroniques 17, 1-15

Marie, son destin, et l’ange

Adrienne von Speyr

La servante du Seigneur, p. 36s

        Jusqu’ici, avant la visite de l’ange, Marie a vécu tout naïvement dans la pure attente de son peuple. Mais elle ne peut, sans le savoir, franchir le pas de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance, elle ne doit pas glisser insensiblement de l’une à l’autre par une conception inconsciente. Il fallait donc qu’elle fût troublée afin de pouvoir être dilatée. Et c’est pourquoi son inquiétude devait déjà embrasser tout ce qui devait arriver plus tard : le problème de son corps, qui ne se posera que dans quelques mois, celui de la Passion du Fils, de la solitude, de la déréliction. La Mère ne peut prononcer son vœu sans avoir au moins quelque idée de sa dimension. Il faut donc lui expliquer aussi ce qui, pour l’instant, n’a pas d’urgence immédiate.

        Par là, il est aussi dit que l’ange n’est pas seulement envoyé par le Père, mais tout autant par le Fils. Car il dessine dans la Mère le modèle de cette dilatation véritablement chrétienne et néo-testamentaire qui correspond au toujours-plus du nouveau commandement d’amour. Il fait aussi de la Mère le berceau de l’Eglise et de la Catholicité. Il est beau de voir une personne donner à Dieu tout ce qu’elle a. Mais, au début d’une mission chrétienne, il doit être bien clair que le tout de l’homme n’est pas la mesure du tout de Dieu, et donc que le tout de la créature a besoin d’être dilaté par la grâce, ne fût-ce que pour pouvoir contenir le tout de la mission divine. Et ce surcroît doit être expressément intégré dans l’acte d’abandon.

        Après l’avoir, de cette manière, une fois encore dilatée, l’ange la rassure une dernière fois, et cette fois tout à fait personnellement. Il lui montre qu’elle n‘est pas la seule qui, par l’avènement du Fils, a été arrachée à l’existence de tous les jours. Sa cousine, elle aussi, a fait l’expérience du miracle de Dieu. Et comme ce fait inattendu arrive à ces deux femmes de la même famille, il crée entre elles un nouveau lien. Les liens de la parenté existants sont resserrés et, en même temps, partiellement remplacés par le lien nouveau que Dieu opère en elles. Marie n’est plus seule avec son destin, mais consolée et protégée en apprenant celui de sa cousine, parallèle au sien. L’ange lui dévoile ce destin semblable pour qu’elle puisse donner sa vie avec plus de certitude. Car personne ne peut assumer tout seul une mission divine ; même au plus solitaire, il est donné un partenaire à l’intérieur de sa mission.