Luc 1, 26-38

Le Verbe dans le silence

Saint Bernard

Troisième sermon pour l’Annonciation du Seigneur, OC 7, p. 452s

Dans le sein de sa mère, Jésus est comme s’il n’était pas : sa puissance infinie sommeille comme si elle était impuissante, et le Verbe se cache sous le silence.

Pour vous, cependant, frères, ce silence parle : il recommande de ne point parler. Dans le silence et l’espérance sera votre force, ainsi que le promet Isaïe qui a appelé le silence le culte de la justice. En effet, de même que cet enfant, après sa conception, grandit dans le sein de sa mère, dans un silence profond et prolongé, jusqu’à la maturité de l’enfantement, ainsi la règle du silence nourrit, forme, fortifie l’homme, et lui donne des accroissements d’autant plus sûrs et plus salutaires qu’ils sont cachés. L’homme animal, ne saisissant pas ce qui est de l’esprit de Dieu, ne sait point qu’elle est la voie de l’esprit, et comment les os se forment dans les entrailles d’une femme enceinte, mais le saint crie à Dieu, ma bouche ne t’a point caché ce que tu as fait pour moi dans le secret du cœur, dans la profondeur du silence. Ce mystère ne vous est point caché, frères, votre expérience et vos aveux m’attestent combien l’âme tranquille et modeste se fortifie, s’affermie, et fleurit dans le silence ; combien, au contraire, en parlant, elle se répand et s’épuise comme par une sorte de paralysie, combien elle maigrit, se dessèche, et se trouble d’épuisement. S’il ne se trouvait pas de force dans le silence, Salomon n’aurait jamais dit : L’homme qui, en parlant, ne peut contenir son esprit, est comme une ville ouverte qu’aucun rempart ne protège. Du reste, si vous demandez à quoi doit être occupé l’esprit dans le silence, nous ne vous imposons rien d’onéreux : mangez votre pain, ainsi que le Seigneur lui-même vous le montre par l’exemple de sa conception. Que dit, en effet, le prophète à son sujet, lorsqu’il parlait de la porte orientale toujours fermée dans le Temple de Dieu, mais qui néanmoins laissa entrer et sortir le Dieu d’Israël ? Le prince lui-même, dit-il, y siègera afin de manger son pain devant le Seigneur. Il y siègera parce qu’il s’y reposera ; le Seigneur lui-même le dit : Voilà le lieu de mon repos. Il s’y reposera comme sur le grand trône que Salomon se fit construire. Si vous regardez la largeur de cette porte, elle est fort étroite ; si vous regardez l’étendue du cœur de Dieu, le trône est grand. C’est en raison de cette dimension que le sein de la Vierge a eu une capacité suffisante pour contenir une si grande majesté, le Fils de Dieu. Le prince s’y assied donc et y mange son pain, parce que, dit-il, si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.