Deutéronome 7,6-14 + 8,1-6

L’épreuve du désert

Père Albert Gelin

Préludes bibliques au Carême chrétien, Maison Dieu 31, p. 41s

        Le désert est lieu et temps d’épreuve : c’est un temps où Dieu s’adresse à son peuple, placé hors de ses sécurités habituelles. Dieu t’a conduit, affirme Moïse, dans ce désert grand et redoutable où il y a des serpents brûlants et des scorpions, des lieux arides sans eau. Cette horreur du désert est sensible chez le prophète Isaïe (34,14-15), au psaume 107 (verset 2 et suivants), et au psaume 90, bien en situation dans la scène de la tentation du Christ. Entre l’Egypte, terre grasse, et la Palestine, terre promise, le désert se tient avec ses occasions de souffrance purificatrice et d’approfondissement. C’est une grâce qu’on peut refuser.

        Le désert est temps et lieu d’union à Dieu. La rencontre avec Dieu tend à s’opérer au-delà des manifestations théophaniques dans le cas d’Elie, elle est en encore toute encombrée dans le cas de Moïse ; nous ne sommes pas encore au stade d’intériorisation de Jérémie, ni à l’extraordinaire affirmation de Dieu qu’on trouve à propos de Moïse dans le livre des Nombres (12,8) : Je lui parle bouche à bouche, en me faisant voir, et non par énigmes, et il contemple la figure de Dieu. Quant au Christ, ses répliques à Satan montrent assez que jamais ne fut interrompue la profonde communion, qui était le chant de sa Filialité. Le désert est aussi pour Israël le temps de la jeunesse de l’Alliance, de l’affection des fiançailles, le temps, ajoute saint Paul, où l’Eglise se fonde autour du Christ, roc spirituel.

        Le désert est temps et lieu de décision, d’orientation décisive. A sa sortie des quarante jours, Moïse va faire office de législateur, Elie a renouvelé sa résolution d’être le prophète de Dieu et prend son départ pour de nouveaux combats. Quant au Christ, on peut résumer son état d’âme par le mot de la lettre aux Hébreux : La joie qui lui était proposée endura une croix. Sa triple épreuve lui a fait expliciter un triple choix. Il a repoussé les suggestions diaboliques, et en même temps la pression de l’opinion d’alors, un messianisme de facilité. L’évangile de la tentation de Jésus est comme une préface vigoureuse à l’évangile tout entier.

        Moïse et Elie étaient essentiellement représentatifs de leur peuple. D’eux on peut déjà affirmer ce qui fut chanté de la Personnalité à venir qui devait faire réussir le dessein de Dieu : Tu es mon Serviteur, l’Israël en qui je me glorifie. Cette considération aide à saisir que les thèmes qu’ils ont vécus peuvent être repris tels quels par la communauté ecclésiale qui est l’Israël de Dieu.