Deutéronome 9, 7-21 + 25-29

Dans le désert

Saint Augustin

Commentaire du psaume 72, OC 13, p. 313s

        Après le passage de la mer Rouge, le peuple d’Israël n’obtient pas immédiatement une patrie et ne triomphe pas avec sécurité, comme s’il n‘avait plus d’ennemis ; il lui reste à surmonter la solitude du désert, il lui reste à vaincre les ennemis qui lui tendent les embûches sur sa route ; de même, après le baptême, la vie chrétienne reste entourée de tentations. Dans le désert, les Israélites soupirent après la patrie promise ; les chrétiens soupirent-ils après autre chose, lorsque le baptême les a purifiés ? Règnent-ils déjà avec le Christ ? Nous ne sommes pas encore arrivés à notre terre promise, à cette terre qui ne peut venir à manquer, parce que là les hymnes de David ne cesseront pas. Que tous les fidèles entendent ces paroles, qu’ils sachent bien où ils sont : ils sont dans le désert, ils soupirent après la patrie. Leurs ennemis sont morts dans le baptême, mais seulement ceux qui les poursuivent par derrière. Que veut dire qui les poursuivaient par derrière ? Nous avons devant nous ce qui est à venir, derrière nous ce qui est passé. Tous nos péchés ont été effacés par le baptême, ceux que nous sommes tentés de commettre ne nous suivent point par derrière, mais ils nous tendent des embûches sur la route. C’est pourquoi l’apôtre, encore voyageur dans le désert de cette vie, nous dit : Oubliant ce qui est derrière moi, m’élançant vers ce qui est devant moi, je tends au terme, à la palme de la vocation céleste qui me vient de Dieu. C’est comme s’il disait je tends à la patrie céleste promise par Dieu. Or, tout ce que le peuple d’Israël a souffert dans le désert, et tous les dons qu’il a reçus de Dieu, quels que soient ces châtiments, et quels que soient ces dons, sont des figures de ce que nous recevons pour consolation et de ce que nous souffrons pour épreuve, tandis que nous marchons en Jésus-Christ dans le désert de cette vie, en cherchant notre patrie. Il n’est donc pas étonnant que ce qui n’était qu’une figure de l’avenir ait cessé. Car le peuple d’Israël a été conduit dans la terre promise ; mais devait-elle durer éternellement ? Si cela eût été, elle n’eût pas été une figure, mais une réalité. Or, comme elle n’était qu’une figure, ce peuple a été conduit vers un bien temporel. S’il a été conduit vers un bien temporel, ce bien devait venir à manquer, et, par cela qu’il manquerait, forcer les Juifs à chercher un bien qui ne pût jamais manquer.