Luc 24, 35-48

L’apparition aux disciples

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’évangile de Luc, SC 52, p. 211

        Les disciples furent frappés de stupeur et de crainte quand ils virent, tout étant fermé, un corps se glisser à travers des barrières impénétrables aux corps, sans dommage pour leur structure. Oui, c’est merveille qu’une nature corporelle ait traversé un corps impénétrable : on ne le vit pas arriver, on vit sa présence. Il fut aisé de le toucher, difficile de le reconnaître. Aussi bien les disciples, troublés, croyaient voir un esprit. C’est pourquoi le Seigneur, pour nous montrer le caractère de la résurrection, leur dit : Touchez et voyez, un esprit n’a ni chair, ni os, et vous constatez que j’en ai. Ce n’est donc point une nature incorporelle, mais l’état de son corps ressuscité qui lui a fait pénétrer les clôtures normalement impénétrables, car ce qui se touche est corps, ce qui se palpe est corps. Or, c’est corporellement que nous ressuscitons, car la semence est un corps de chair, d’où lève un corps spirituel. L’un est subtil, l’autre grossier, étant encore épaissi par les conditions de son infirmité terrestre. Comment en effet n’y eût-il pas un corps, alors que demeuraient les marques des blessures, les traces des cicatrices que le Seigneur a présentées pour être touchées ? Par là,  non seulement il affermit la foi, mais il assure la dévotion : les blessures reçues pour nous, Il a préféré les emporter au ciel, Il n’a pas voulu les effacer, afin de montrer à Dieu le Père le prix de notre libération. C’est en cet état que le Père le place à sa droite, accueillant les trophées de notre salut ; tels sont les témoins que la couronne de ses plaies a produits sur nous.

        Comment se fait-il que, selon saint Jean, les disciples ont cru, puisqu’ils se sont réjouis, et que, selon saint Luc, ils sont repris comme incrédules ? Qu’ici ils ont reçu l’Esprit-Saint, et que là il leur est prescrit de résider dans la ville jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de ce don du Ciel ? Il me semble que l’un, en qualité d’apôtre, a touché ce qu’il y a de plus grand et de plus élevé, l’autre la suite, plus proche de l’humain. Car on ne saurait douter de celui qui rend témoignage des faits auxquels il a lui-même assisté, et, dit-il, son témoignage est véritable. Luc dit d’abord que les disciples n’ont pas cru, plus tard cependant il montre qu’ils ont cru. Aussi pensons-nous que l’un comme l’autre est véridique : ils ne sont séparés ni par la différence des pensées, ni par la diversité des personnes.