Exode 24, 1-11 ou 1 Corinthiens 11, 18-34

Le Christ s’invite à la table des pécheursPaul VI

Frère M. Drouzy

Jésus mange à la table des pécheurs, VS 112, 1965, p. 293

        Dieu n’est pas un hôte ordinaire. L’homme ne peut qu’être admis en sa présence. Le cérémonial compliqué qui caractérise l’Ancien Testament a justement pour fonction de rappeler incessamment au fidèle que Dieu est un Dieu de majesté, le Dieu trois fois saint devant qui les anges tremblent. Les repas en présence de Dieu sont des repas sacrés.

        Et voici que le Christ vient bouleverser toutes les règles et renverser toutes les idées reçues. Lui qui se prétend non seulement l’envoyé de Dieu, mais l’égal de Dieu, Dieu lui-même, voici qu’il laisse l’homme prendre l’initiative d’inviter Dieu. Voici qu’avec lui toutes les distinctions entre profane et sacré volent en éclats. Voici le sacré qui s’installe au cœur même du profane. Impossible de savoir désormais s’il s’agit d’un repas entre hommes, ou d’un repas avec Dieu. Dieu lui-même vient s’asseoir à la table des hommes.

        Lévi organise un festin. Sans crier gare, comme la chose la plus naturelle du monde, Jésus vient y prendre part avec ses disciples. S’il désirait rencontrer les pécheurs, on aurait pu à la rigueur concevoir qu’il les invitât en un lieu choisi par lui, en un lieu neutre, par exemple à Béthanie chez Lazare et ses sœurs. Chacun aurait fait ainsi la moitié du chemin. Mais le Christ ne choisit pas cette solution. C’est lui qui fait tout le chemin ; il va trouver lui-même les pécheurs, il entre jusque dans leur repaire. Bien mieux, en certains cas, il ne les laisse même pas l’inviter : il s’invite lui-même chez eux. Il prend lui-même l’initiative de venir les trouver, sans même être attendu, sans même qu’ils aient eu le temps de préparer la maison : Zachée, dit-il au chef des publicains juché sur son arbre, Zachée, descend vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi.

        Voilà en vérité le comble de l’audace ! On comprend que les gens murmurent et que les pharisiens protestent : Il est allé lui-même loger chez un pécheur.

        S’ils protestent, c’est qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’ils ne peuvent pas comprendre ce qui se passe dans le cœur d’un Dieu lorsqu’un pécheur court à sa perte. Dieu est alors animé des mêmes sentiments que le berger qui a perdu sa brebis. Dans ce cas, il ne peut plus être question ni de règles, ni de convenances. Le berger doit partir à sa recherche, il parcourra tout le chemin qu’il faudra. Pas question de n’en faire que la moitié. Ce qui importe, c’est de retrouver la brebis et de pouvoir dire le plus tôt possible à tous les voisins et amis : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue.