Luc 9, 11-17

JésusPaul VI rassasie la foule

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’Evangile de Luc, tome 1, SC 45, p. 254s

        Jésus leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Quelle est la raison pour laquelle la passion du Baptiste étant racontée plus loin, dès maintenant les paroles d’Hérode le montrent déjà mort ? Jean, je l’ai fait moi-même décapiter, vient-il de dire ! Peut-être parce qu’près la fin de la Loi, l’aliment de l’Evangile a commencé à nourrir les cœurs affamés des peuples ? L’aliment de la grâce céleste est déjà distribué ! Mais remarquez à qui on le distribue : pas aux nonchalants, pas à ceux qui résident en ville, mais à ceux qui cherchent le Christ au désert. Ceux qui ne font pas les dégoutés, ceux-là sont accueillis par le Christ ; et le Verbe de Dieu s’entretient avec eux. De quoi leur parle-t-il ? Non du monde, mais du Royaume des cieux. Et s’il en est que couvrent les ulcères d’une maladie corporelle, Il leur accorde volontiers son remède. Il était dans l’ordre que, les ayant guéris de leurs blessures douloureuses, Il les délivrât de la faim par des aliments spirituels. Ainsi nul ne reçoit la nourriture du Christ, s’il n‘a d’abord été guéri, et ceux que l’on invite au festin sont auparavant guéris par l’invitation : y avait-il un boiteux, il a reçu le moyen de marcher pour venir ; un homme privé de la lumière de ses yeux, il n’a évidemment pu pénétrer dans la maison du Seigneur que s’il a recouvré la vue.

        Partout donc un ordre mystérieux est observé : d’abord la rémission des péchés porte remède aux blessures, puis l’aliment de la table céleste se multiplie. Pourtant cette foule n’est pas encore nourrie des mets les plus substantiels, les cœurs qui jeûnent de foi solide ne peuvent se repaître du corps et du sang du Christ : Je vous ai fait prendre du lait, non de la nourriture : vous n’en étiez pas encore capable. Les cinq pains correspondent au lait ; la nourriture solide est le corps du Christ, le breuvage généreux est le sang du Christ. Ce n’est pas d’emblée que nous mangeons toutes choses, ni que nous buvons toutes choses.

        Si le Christ vous nourrit, si vous conservez la nourriture reçue, vous marcherez, non pas quarante jours et quarante nuits, mais pendant quarante ans, depuis votre sortie d’Egypte jusqu’à votre arrivée dans la terre d’abondance là où coulent le lait et le miel. C’est donc la terre dont il vous faut rechercher les ressources, celle que possède la douceur, non pas la terre qui est desséchée, mais celle qui est enrichie des aliments du Christ, terre qui, soumise à l’autorité du Roi éternel, est habitée par la foule des saints.