Juges 2,6 – 3,4

Raisons de la permanence des nations étrangèresPaul VI

Père Jean Steinmann

Les Juges, p. 31s

        Un point important gênait l’écrivain pieux imprégné des traditions émanant de Moïse : à partir de ces traditions, en effet, les théologiens du temps avaient bâti la thèse de la rétribution immédiate du Bien et du Mal sur la terre. On sait combien cette idée a fait son chemin et combien l’Ancien Testament en est imprégné : presque tous les livres de l’ancienne Alliance s’attachent à démontrer que le Juste est récompensé sur la terre.

Puisque Dieu est tout-puissant et puisqu’il a scellé une Alliance avec Israël, pourquoi n’a-t-il pas chassé les nations qui tout à tour maltraitent son Peuple ? Une telle insulte au peuple d’Israël n’est-elle pas en même temps une insulte à Dieu ? Et Pourquoi Dieu l’accepte-t-il puisqu’il est tout-puissant ?

A cette question qui blesse sa piété, mais qui est très angoissante en une période où les Israélites viennent de subir l’oppression de leurs voisins et peut-être même l’exil, l’écrivain inspiré du livre des Juges trouve une explication : la faute d’Israël lors de son installation dans le pays de Canaan. C’est qu’Israël a désobéi à son Dieu, qui, pour le punir, laisse maintenant subsister ces peuples.

On sait aujourd’hui qu’il était impossible à Israël de chasser les peuples voisins étant donné son introduction lente et progressive dans le pays de Canaan. Pour l’écrivain, nourri de l’enseignement deutéronomique, l’arrivée massive de Josué et des Israélites ne faisait pas de doute. Si, au VIIème siècle, les peuples étrangers existent encore, c’est parce que les fils d’Israël, au départ, ne les ont pas exterminés. Ils ont désobéi à Dieu qui, dans sa justice, les a punis en laissant subsister cet état de fait.

Dans le texte que nous venons d’entendre, le style est exactement semblable à celui de Josué 24. Le raisonnement développé se poursuit par étape, et c’est là qu’apparaît la thèse du « pragmatisme » ; ce pragmatisme est une doctrine philosophique selon laquelle le critère de la vérité des choses est leur valeur pratique. Le peuple a désobéi et la punition annoncé par Josué 23-24 s’abat sur Israël : la vie d’Israël est liée à son obéissance à Dieu : victoire lorsqu’il se repent, épreuve douloureuse lorsqu’il trahit la cause de Dieu.