La mort,  école de vie

Madeleine Delbrel

La joie de croire, p. 135s

        La vie nous prépare à mourir, et elle connaît bien son métier ! Il suffit de l’écouter, de la voir, de la suivre. Elle nous explique la mort petitement, ou grandement selon les jours, quelquefois sans nous faire de mal, d’autres fois en nous disloquant de douleur, parfois en soulignant nos petites morts quotidiennes, d’autres fois en étendant morts ceux que nous aimons.

        La mort, elle s’apprend quand on se peigne le matin et que nos cheveux quittent notre tête, quand la dent qui longtemps nous fit mal s’en va de nous, quand notre peau se plisse aux coins des yeux, quand, chaque année, on vient avec des fleurs nous souhaiter notre anniversaire, des fleurs qui ont un tout petit air de cimetière…

        La mort, on n’a pas besoin d’être poète pour l’apprendre ! La vie est notre maîtresse de mort. Mais, à son tour, la mort nous devient maîtresse de vie, nous qui savons la pénitence humaine. Comme la mère souffre l’enfantement de ce qui naît, comme le père sue pour nourrir l’enfant qui vit, ainsi portons-nous notre mort commencée, et bientôt finie, comme notre propre et définitif enterrement.

        Mais il s’agit bien de naître chaque fois où nous mourons, de naître un peu quand nous mourons un peu, et de naître beaucoup quand nous mourons beaucoup. Il s’agit, dans cette fréquentation de la mort, d’apprendre à fréquenter la vie. Il s’agit de virer à l’éternel comme les pellicules photographiques pour le cliché où tous les noirs deviennent blancs. Il s’agit d’ouvrir nos yeux de foi là où nos propres yeux demeurent en faillite.

       De même qu’en regardant notre jardin, nous ne sommes pas concernés par le jaunissement d’un brin d’herbe, soyons assez intéressés par les siècles des siècles, pour que le temps de notre vie nous indiffère, et pour que tout ce que nous aimons soit déjà transféré dans une éternité tranquille. Ainsi apprendrons-nous à mourir de mort, pour vivre de vIe authentique.