Matthieu 5, 17-37

Jésus est venu pour accomplir

Saint Irénée de Lyon

Contre les Hérésies, IV, 13, 2-3, p. 443s

        La servitude de la Loi éduquait l’âme par les choses extérieures et corporelles, en l’amenant à la docilité aux commandements afin que l’homme apprît à obéir à Dieu. Mais le Verbe, en libérant l’âme, enseigna à purifier le corps par l’âme : il fallait que fussent détruites les chaînes de la servitude, mais que l’homme servît Dieu sans chaînes, que fussent étendus les préceptes de la liberté et augmentée la soumission au Roi, afin que nul, en revenant en arrière, ne se montrât indigne de son Libérateur, car si la piété et l’obéissance au Maître sont extérieurement les mêmes chez l’esclave et l’homme libre, l’acte de la liberté est plus élevé et glorieux que la soumission de la servitude.

        C’est pourquoi le Seigneur nous a ordonné, au lieu de ne pas commettre l’adultère, de ne pas même convoiter ; au lieu de ne pas tuer, de ne pas même nous mettre en colère ; d’aimer non seulement nos proches, mais encore nos ennemis ; de donner volontiers nos biens à ceux qui nous les prennent, de sorte que nous ne serons pas attristés d’être volés malgré nous, mais que nous nous réjouirons au contraire d’avoir donné volontairement, d’avoir accordé au prochain une grâce loin de plier sous la nécessité. Et si quelqu’un te contraint de faire de faire un mille, fais-en deux autres avec lui, afin de ne pas le suivre comme un esclave, mais de le précéder comme un homme libre, te rendant en toutes choses utiles à ton prochain, ne considérant pas sa méchanceté, mais mettant le comble à ta bonté et te configurant au Père qui fait lever le soleil sur les méchants et sur les bons et pleuvoir sur les justes et les injustes. Tout cela n’était pas le fait de quelqu’un qui abolissait la Loi, mais de quelqu’un qui l’accomplissait et l’étendait chez nous. Autant dire qu’est plus considérable le service de la liberté et qu’une soumission et une piété plus profondes ont été implantées en nous à l’égard de notre libérateur. Car celui-ci ne nous a pas libérés pour que nous nous détachions de lui, mais pour que, ayant reçu plus abondamment sa grâce, nous l’en aimions davantage et que, l’ayant aimé davantage, nous recevions de lui une gloire d’autant plus grande quand nous serons pour toujours en présence du Père.