Jean 15, 9-17

« Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis »

Isaac de l’Etoile

Sermon 5, tome 1, SC 130, p. 145s

          Que veut le serviteur, sinon devenir fils ? Mais qui donc oserait en avoir la plus légère idée, si la bénignité même de Dieu ne le permettait et ne le promettait ? Nous étions impies, et par le fait même ennemis, sans rien opérer, sans rien espérer pour notre salut ; par pure grâce, il est venu, inopinément, il nous a prévenus celui qui vraiment nous a aimés le premier, le Christ. Et il est mort pour les impies. C’est ce qui stimule l’étonnement de l’apôtre, et lui fait dire : Comment le Christ est-il mort pour les impies ?, alors que pour le juste personne ne consent à mourir ? Car, peut-être quelqu’un aurait-il le courage de mourir pour un homme de bien, pour un ami. Mais nous étions ennemis, nous, comme il est dit ensuite : Si, alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, bien davantage maintenant… Que signifie ce bien davantage ? En vérité, c’est que nous recevions la filiation par le Fils lui-même. Notez la gradation, distinguez la progression.

            Nous étions ennemis, esclaves du péché, émancipés de la justice. Le Fils nous a libérés du péché et du diable, en devenant esclave de la justice. C’est le premier degré ; celui que désire l’homme qui clame : Ô Seigneur, libère mon âme ! Et l’ayant obtenu, il exulte : Ô Seigneur, parce que tu m’as libéré, je suis à la fois l’esclave et le fils, je ne dis pas encore ton fils, mais le fils de ta servante. Tu as brisé mes liens, ceux dont le diable m’avait enserré, de telle sorte que je n’avais plus la liberté de sortir et d’agir selon ta parole : l’homme sortira pour son ouvrage et son travail.

            Maintenant je remue les pieds, j’étends ma main desséchée, de perverti étant converti, d’ennemi devenu serviteur, serviteur absolument inutile pour vous apporter quelque bien, à vous qui n’avez que faire de mes biens, mais serviteur inutile à moi-même, puisque avec crainte et tremblement j’opère mon salut : Quand vous aurez exécutez tous les ordres, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles. Ainsi celui qui fait méchamment le mal ou qui fait mal le bien est considéré comme ennemi. Faire le bien accomplir des œuvres vertueuses de justice et de miséricorde est l’affaire du serviteur, tandis que l’ami partage les secrets, connaît les desseins. Aussi, et c’est le second degré, les ennemis de jadis, devenus serviteurs, entendent la parole : Je ne vous appelle plus mes serviteurs, mais mes amis. Qu’attendons-nous ? Qu’au troisième degré, d’amis nous devenions frères du Christ, fils de Dieu et, ainsi, puisque les fils sont héritiers, que finalement nous devenions ses héritiers.