Actes 17, 1-18

Thessalonique : l’ombre de César

Jacques Cazeaux

Les Actes des Apôtres, p. 234

          Le Macédonien du songe qui suppliait Paul de venir dans sa région savait-il dans quelles difficultés, mêlées aux succès de l‘Evangile, il l’attirait ? Les trois grandes cités d’Europe, où Paul et ses compagnons vont séjourner tour à tour, Thessalonique, Athènes et Corinthe, vont avoir en commun d’être le théâtre de complications.

            L’entrée proprement juive de Paul et de Silas dans la synagogue de Thessalonique débouche sur la rapide formation d’une communauté importante, deux fois mixte, puisqu’elle réunit des Judéens et des Grecs, des hommes et des femmes. Mais survient une réaction de certains Judéens ; elle n’atteindra pas la dureté qui a marqué le séjour à Philippes. Pour s’en prendre aux apôtres, puis à Jason, sans doute un chrétien influent, ainsi qu’à d’autres chrétiens, les agités usent de formes juridiques puisqu’on parle de caution et qu’aucune violence physique n’est mentionnée. Pourtant, Paul va devoir s’échapper, petitement, de nuit. Là, il ne se produit aucune rencontre dramatique qui soit sur le même plan que celle de Philippes. Les Judéens de Thessalonique évoquent bien Rome, en arguant de leur fidélité au seul roi, le César de Rome, et cela pour dénoncer les prétentions des missionnaires donnant Jésus comme le véritable roi du monde. Mais, faute de sévices corporels, aucun de nos apôtres n’évoque alors son droit de citoyen romain, et Paul s’enfuit ; il n’est pas le véritable sujet de l’épisode.

            Ici, le drame est noué par une contradiction interne aux Judéens de Thessalonique. Ils agissent aussi bien chez eux, qu’à Bérée ensuite, ce qui redouble leur initiative et souligne le jugement qu’on portera sur elle. Le narrateur insiste sur le fait que la prédication des missionnaires s’attachait aux Ecritures, et donc à la substance d’Israël. Ceux des Judéens qui adhèrent à la Voie le font dans la foulée de leur judaïsme. Des Judéens agités et agitateurs reproduisent alors le blasphème qui servit d’argument à la Passion de Jésus. Ils se placent sous la royauté de César. Par là, ils se renient eux-mêmes, et deux fois. Leur nationalisme est bousculé, qui leur interdisait de s’inféoder à l’occupant ; et même si leur position d’hommes de la diaspora supposait la cohabitation avec les Gentils, leur Judaïsme est blasphémé, qui leur interdisait de reconnaître une autre royauté que celle de Dieu. Les agités de Philippe parlaient bien de Rome, mais ce n’était qu’un slogan opportuniste qui n’invoquait pas la question de fond, laquelle retrouve ici son poids de théologie par le biais de la politique et du blasphème.