Esdras 1,1-8 + 2,68-3,8

L’œuvre de Néhémie

Dom Irénée Fransen

L’édification de la cité, BVC 51 (1963), p.27s

          Profitant de la politique libérale que les Achéménides appliquaient à leur empire, les Juifs reviennent en Terre promise, rétablissent le culte, reconstruisent le Temple, relèvent les murs de Jérusalem et vivent en communauté, gouvernés par des hommes de leur race et régis par la Loi de Moïse. Il ne leur en coûte qu’un loyalisme, facile à garder vis-à-vis d’un pouvoir central respectueux de leurs coutumes. C’est un événement considérable, c’est la naissance du judaïsme, préparée par les longues méditations de l’exil, aidée par l’intervention d’hommes providentiels.

          Néhémie travaille tout d’abord à la restauration des murs de Jérusalem ; il assure de la sorte l’indépendance de ses concitoyens, menacée par la jalousie et l’envie de voisins peu délicats ou de faux frères. Mais cette restauration n’a pas directement un but politique : elle n’est que la manifestation, l’expression de la restauration intérieure de la communauté. La grande fresque de la rétrospective de l’histoire d’Israël, au chapitre 9, et les prières qui jalonnent le livre montrent à quel point le souci religieux est primordial.

          La belle audace de Néhémie rappelle par endroits la confiance tranquille et primesautière d’un David à l’égard de Dieu ; mais les tristesses et les peines de l’exil donnent à sa foi maturité et ferveur. C’est dans le souvenir des catastrophes passées que Néhémie édifie la nouvelle cité et qu’il dresse autour d’elle, plus encore que des murs de pierres, les clôtures des lois religieuses. A côté d’étroitesses, s’affirme résolument le courant issu du Deutéronome et qui, en dehors de toute valeur politique, marque la vie du fidèle israélite du sceau religieux.

          Ayant perdu son indépendance politique, Israël n’est plus désormais qu’une communauté de saints, régie par des clercs, enracinée sans doute dans une cité et dans un terre, mais jalouse avant tout de sa liberté religieuse.

          A ce titre, le livre et le personnage de Néhémie se rapprochent de nos préoccupations ; la grande œuvre du service de chacun dans l’organisation de la communauté humaine, avec les renoncements, les initiatives et les générosités qu’elle suscite, est la tâche qui s’impose au chrétien, tâche de témoignage chrétien dans la justice sociale et la construction du monde, inséré dans les structures même des événements et s’accordant en eux à l’initiative et à la conduite divines.