Galates 5,25 – 6,18

Portez les fardeaux les uns des autres, accomplissez ainsi la loi du Christ

Saint Bernard

Sermon 12 sur le Cantique, SC 414, p. 27s

          Le parfum de l’amour fraternel se forme à partir des privations des pauvres, de l’angoisse des opprimés, du trouble des affligés, des fautes des coupables, enfin de toutes les douleurs des malheureux, quels qu’ils soient, et même de nos ennemis. Ces ingrédients paraissent méprisables, mais l’onguent qui en est formé l’emporte sur tous les aromates. Il apporte la santé : Bienheureux les miséricordieux, car, à leur tour, ils obtiendront miséricorde.

Ainsi un grand nombre de misères, rassemblées sous le regard de l’amour fraternel, sont les éléments dont se composent les meilleurs onguents, dignes de la fécondité de l’Epouse et agréables aux yeux de l’Epoux. Heureuse l’âme qui a pris soin de s’enrichir et de se parfumer avec une cueillette de tels aromates, y mêlant l’huile de la miséricorde et les échauffant par l’ardeur de la charité ! Qui est, selon toi, cet homme bienheureux qui a pitié, qui donne, enclin à compatir, prompt à secourir, convaincu qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ? Le pardon lui est facile, et la colère difficile ; jamais il ne consent à la vengeance, et en toutes choses il regarde les nécessités du prochain comme les siennes propres. Qui que tu sois, ô âme ainsi disposée, imprégnée de la rosée de la miséricorde, débordante d’amour fraternel, tu possèdes le troisième onguent, le plus excellent, et tes mains distillent une liqueur qui ne s’épuisera pas ; Dieu se souviendra de ton sacrifice, et il agréera ton holocauste.

Et toi, si tu cherches, suivant le conseil de Paul, à faire du bien à tous, tu possèdes ces onguents exquis : tu verses généreusement tes parfums, non seulement sur la tête ou sur les pieds du Seigneur, mais sur son corps tout entier qui est l’Eglise. Qui sait ? Si le Seigneur Jésus n’a pas voulu que les parfums préparés pour lui fussent répandus sur son corps dans le tombeau, c’était peut-être afin de les réserver pour son corps vivant. Car elle vit, l’Eglise qui mange le pain vivant du ciel : elle est le corps du Christ, son Corps de prédilection, puisque l’unique corps a été livré pour qu’elle-même ne meure pas.

Revenons aux parfums de l’Epouse. Comprends-tu que l’onguent de l’amour fraternel est préférable à tous les autres, puisqu’il est le seul dont le Seigneur n’a pas permis qu’il se perde ? Il se perd si peu que même le don d’un verre d’eau froide ne reste pas sans récompense ! Il naît d’un regard sur ceux qui souffrent, et il se répand sur tout le Corps du Christ, son Eglise. A côté de cet onguent, le meilleur, le Seigneur a montré qu’il ne regarde pas les autres, puisqu’il a dit : Je veux la miséricorde, non le sacrifice.