Matthieu 1, 1-16 + 18-23

Marie, étoile du matin

 Saint Albert le Grand

Un traité inédit sur Marie, De la nature du bien, VS 34 (1933), p. 160s

          Une étoile sortira de Jacob, un sceptre s’élèvera d’Israël. De même que l’étoile du matin brille au milieu des nuages, comme la lune dans sa plénitude, comme le soleil resplendissant, ainsi la Vierge Marie brille dans le Temple de Dieu qu’est le ciel, c’est-à-dire l’Eglise.

            La bienheureuse Vierge est nommée étoile du matin parce que le matin de la grâce s’est levé en elle, et qu’elle se trouve au milieu du brouillard qui a coutume de monter le matin.

            C’est un triple brouillard que dissipe la bienheureuse Vierge : celui du péché, celui de la tristesse et celui de l’erreur. Elle dissipe le premier en intercédant pour les pécheurs, le second en dispensant aux malheureux la consolation, le troisième en révélant la vérité.

            Elle brille comme la lune dont la lumière ne décroît pas, mais augmente, puis demeure stable, répandant sans cesse la lumière de la grâce sur tous ceux qui sont dans les ténèbres et l’ombre de la mort.

            Elle est comme un soleil resplendissant qui prodigue la chaleur de la piété et se répand en bonté pour réformer toutes les créatures raisonnables. Elle est plus belle que le soleil et que l’arrangement des étoiles ; comparée à la lumière, elle l’emporte sur elle, car la lumière fait place à la nuit, mais le mal ne prévaut pas contre la sagesse.

            Le mal ne prévaut pas contre Marie, étoile de la mer. Elle a été donnée à la nuit pour l’éclairer. Les ténèbres de la nuit sont l’image de la vie pendant notre séjour ici-bas, cette nuit dans laquelle le soleil lumineux de la Vérité dévoilée nous est caché. Dans cette nuit, Marie brille parce qu’elle nous a montré la Vérité elle-même vêtue de chair, afin que, par les choses visibles, nous apprenions à voir surgir les réalités invisibles. A tous les hommes elle donne son Fils.

            Marie est aussi une étoile en ce sens que cette Vierge engendre son Fils de la même manière qu’un astre envoie un rayon de lumière : l’astre n’est pas souillé par son rayon, ni la Mère par son Fils. Ainsi le Verbe de Dieu, rayon d’éternelle lumière, pureté et miroir sans tache de la lumière du Père, donna la fécondité à sa Mère sans lui enlever sa virginité. Il augmenta la lumière de sa dignité, bien loin de la diminuer, ce qui n’est pas surprenant puisque rien n’est impossible à Dieu.

            Il sortira un rejeton de la souche de Jessé, et une fleur de sa racine. Selon la chair, le Seigneur est né de Jessé, nom qui signifie incendie ; il est l’incendie de l’Esprit-Saint : c’est en apparence, non en réalité, qu’il est issu de Jessé, car il est né de la toute-puissance de l’Esprit-Saint, non pas de la substance de Jessé.